Une jauge incompréhensible

Pour la deuxième fois consécutive, le nouveau Stade de Luxembourg va accueillir ses supporters avec seulement 15% d’affluence maximum. Une décision surprenante, et qui fait s’hérisser quelques poils, tant chez les supporters, déçus de ne pas pouvoir découvrir l’enceinte, mais aussi à la Fédération, qui regrette vivement un protocole jugé particulièrement sévère.

C’était le premier septembre 2021, soit il y a un peu plus d’un mois. Le Luxembourg inaugurait enfin ce Nouveau Stade que l’on attendait depuis si longtemps face à l’Azerbaïdjan. Une victoire 2-1, dans un stade rempli de seulement 2 000 supporters. Pour cette grande première des Roud Léiwen dans cette nouvelle enceinte, bien loin d’un Josy Barthel depuis longtemps considéré comme obsolète, la déception était de mise vis-à-vis de cette jauge, déjà à l’époque considérée comme sûrement trop restrictive.

Malgré tout, il n’est pas exagéré de dire que le test du Nouveau Stade avait été une franche réussite. Au-delà du résultat historique pour le football au Grand-Duché, les tribunes avaient elles aussi offert grand nombre de satisfactions. L’ambiance lors de cette fameuse rencontre inaugurale semblait en effet impensable jusqu’il y a peu dans le football luxembourgeois. Portée par une acoustique phénoménale, l’enceinte avait vibré comme jamais, et les joueurs eux-mêmes avaient déclaré avoir l’impression d’évoluer dans un nouveau monde. Le public, bien que peu nombreux avait en effet réussi à particulièrement se faire entendre et clairement joué son rôle de douzième homme, quand les Roud Léiwen avaient commencé à subir en fin de match. Et, plus que satisfait de cet apéritif, on attendait avec impatience le mois suivant, et le plat principal pour véritablement se régaler. 

Ceci explique sûrement pourquoi l’incrédulité a été encore plus grande à la suite de la décision de maintenir de telles mesures pour cette nouvelle rencontre.  Une décision qui a d’autant plus de mal à passer que tout autour du Luxembourg, les stades de football ont repris tambour battant. C’est bien à guichets fermés que le FC Metz a accueilli le Paris Saint Germain. C’est sans jauges que les clubs de Bundesliga abordent toutes les rencontres du championnat allemand. Et même en Espagne, où la crise du COVID a particulièrement sévi, les jauges de supporters autorisés ne font qu’augmenter semaines après semaines, atteignant dorénavant l’absence de restrictions dans certaines zones, et 60% dans les régions les plus touchées. Et pourtant, au Luxembourg, malgré des chiffres particulièrement bas, malgré une campagne de vaccination somme toute réussie, et malgré un Stade qui peut évidement s’adapter en fonction du nombre de supporters acceptées, en garantissant une distanciation sociale entre les supporters.

Une décision extrêmement difficile à comprendre donc, tant avec l’application du Covid Check, des chiffres en constante baisse mais aussi des pays frontaliers pratiquant une politique bien différente, la possibilité de jouer devant ne serait-ce que 50% du public semblait aisé à mettre en place. Pourtant, le gouvernement a refusé d’accorder la moindre dérogation à la Fédération Luxembourgeoise de Football, alors même que les conditions semblaient se prêter à une adaptation de la situation. Hélas, à situation exceptionnelle, décision ordinaire.

2022 pour un Stade plein ?

Alors qu’il n’y a plus le moindre espoir pour la rencontre de ce samedi face à la Serbie, il reste encore cette année une rencontre sur laquelle la sélection nationale peut fonder un petit espoir de jouer sans la moindre jauge le 14 novembre face à l’Irlande. Néanmoins, il faudra attendre la nouvelle loi covid du 19 octobre avant d’en savoir plus. Alors que pratiquement partout les jauges ont augmenté progressivement, il parait dès lors compliqué d’imaginer que la gouvernement passe d’une affluence maximum de 15% à une absence totale de contrôle. Une augmentation parait néanmoins parfaitement adaptée au vu du contexte sanitaire actuelle, qui est dans la grande partie à la baisse.  Même si, au vu des décisions prises jusque maintenant, nous ne serions pas surpris d’être à nouveau… surpris.

Encadré : Toutes les places vendues en moins d’une heure

Sans surprise, et à l’image de la rencontre face à l’Azerbaïdjan, l’intégralité des places pour la rencontre face à la Serbie sont partis extrêmement rapidement. En moins d’une heure, les précieux sésames sont tous partis, avec une offre éminemment inférieure à la demande. Le Stade de Luxembourg affichera donc l’affluence maximum possible, avec un total de 2 000 supporters disponible. Une nouvelle preuve, s’il en fallait une, qu’il était possible de viser bien, bien plus haut…

Joel Wolff : « On accepte, mais on reste déçu… »

La Fédération, ainsi que le public luxembourgeois espérait profondément une hausse de la juge appliquée contre l’Azerbaïdjan. Malheureusement, c’est avec le même nombre restreint de supporters que les Roud Léiwen affronteront la Serbie. Entretien avec Joel Wolff, secrétaire général de la Fédération Luxembourgeoise de Football, déçu de la situation, comme tous ses collègues.

Quel est le sentiment prédominant au sein de la Fédération, après la décision de maintenir une jauge à seulement 15% pour cette rencontre face à la Serbie ?

On est tous très déçus. C’est une loi du gouvernement qui a été votée par la chambre des députés, et nous n’avons aucune chance de changer quoi que ce soit. Même un ministre ne peut faire évoluer cette décision. À nous d’attendre avec patience jusqu’au 18 octobre, et on a bon espoir qu’une nouvelle jauge sera mise en place pour la rencontre face à l’Irlande.

Avez vous demandé une dérogation ?

Cela n’existe pas. Ce n’est pas possible. Evidemment nous avons demandé, par le biais d’une lettre le 30 août et au Ministre des Sports, mais il n’y a pas de recours possible. On comprend que c’est une loi qui a été votée, et qu’on ne peut rien y changer. C’est un peu malheureux pour nous, mais il faut respecter le processus démocratique qui a été mis en place. On va donc jouer cette rencontre face à la Serbie avec seulement 2 000 personnes autorisées (inclus les délégations, stewards, police etc. donc au maximum 1.600 spectateurs), quand on aurait pu le remplir totalement, ou tout du moins sans aucune difficulté 7-800 spectateurs. Les gens nous courent après pour avoir des billets et il n’y en a plus. Tous ceux qui nous avons pu mettre à disposition du public sont partis en vingt minutes… 

Le Luxembourg semble avoir eu depuis le début de la crise une politique de mesure basée sur les décisions prises par les pays frontaliers. Pourquoi pas dans ce cas ?

On nous a expliqué que le Luxembourg voulait rester plus prudent que les autres pays frontaliers. On accepte cela, mais on reste déçus. On ne peut qu’attendre la rencontre face à l’Irlande, et on espère que les choses seront différentes. Il faut savoir qu’en Sarre où joue Sarrebruck, il n’y a plus la moindre limite en ce qui concerne les grandes manifestations. C’est la même chose pour Schalke 04 et Dortmund qui vont rouvrir toutes les places assises, avec 50% des places debout. Cela équivaut à des stades quasiment pleins. Cela signifie que pour les rencontres de Champions League, il y aura environ 65 000 supporters au Borussia. Nous, contre la Serbie, on sera 1600… C’est difficile à encaisser. Maintenant, ça ne sert à rien de se lamenter là-dessus, il faut essayer d’avancer.

Etiez-vous disposés à vous adapter, avec une jauge à 50% par exemple, en séparant les gens dun siège à chaque fois ?

On ne nous le demande même pas ! Nous avons une jauge à 2 000 personnesmais paradoxalement, tout le monde peut potentiellement être dans la même tribune assis les uns à côté des autres. Cela signifie qu’on peut avoir certains stades de BGL Ligue avec la même affluence que pour la sélection nationale. Leurs stades seraient pleins, mais le nôtre va sonner vide. Il y a quand même un léger manque de cohérence là-dedans. Et, si demain on nous disait « finalement vous pouvez jouer à 100% » nous saurions nous adapter, nous sommes prêts, et on pourrait relever le défi sans aucun souci. Notre système de vente en lignes est conçu pour cela.

Est-il possible de chiffrer les pertes financières qu’impliquent des jauges si restrictives ? Le manque à gagner est-il conséquent ?

Les pertes entre un match à guichets fermés contre la Serbie et la jauge actuelle se chiffrent à 250 000 euros. Face à l’Azerbaïdjan, nous aurions eu un stade plein, j’en suis absolument certain vis-à-vis du fait que c’était une inauguration. Donc cela fait déjà 500 000 euros. Et vous rajoutez la rencontre face au Qatar, qui aurait tout de même ramené quelques personnes, on peut chiffrer à 100 000 le manque à gagner. Cela fait un total de  600 000 euros. Et ça n’est pas de l’argent que les gens de la fédération ou que les joueurs ne gagnent pas : c’est le football Luxembourgeois qui perd toute cette somme conséquente. Cela nous ampute sévèrement sur le plan du soutien de nos clubs, de tout niveau. Cela touche absolument tout le monde.

Dans les cinémas, le système Covid Check est mis en place, et on peut donc se retrouver avec des salles pleines, sans véritable distanciation sociale. Ny a t-il pas un non-sens à se baser sur le nombre de personnes présentes, plus que le pourcentage de gens autorisés ?

Oui, je suis d’accord. Encore une fois, nous avons la possibilité de mettre les 1600 spectateurs autorisés dans une seule tribune. Cela signifie donc que la distanciation sociale ne serait absolument pas appliquée, ce qui est pourtant l’objectif initial de ce type de jauges. C’est cela qui est difficile à comprendre. 

Pensez-vous que les choses vont aller en s’améliorant lors de la rencontre face à l’Irlande ?

Oui. On nous a donné des indications que les choses devraient changer à partir de la nouvelle loi du 18 octobre. Je ne sais pas quoi exactement, et à quel niveau, mais la jauge devrait être augmentée, je l’espère de toute façon.

Au-delà de ça, quel bilan peut on tirer de la grande première face à l’Azerbaïdjan ?

Tout s’est bien passé. Nous avions déjà fait un match test en juillet qui nous a permis d’améliorer quelques petites choses. Contre l’Azerbaïdjan, il n’y a eu aucun souci, tout comme le match des femmes quelques temps plus tard. Cela n’est pas facile à organiser, mais on savait parfaitement qu’avec un nouveau stade, très moderne, l’organisation logistique mais aussi technologique serait un défi. Mais nous avons parfaitement réussi à le relever, c’est une vraie satisfaction.

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