Mario Mutsch : le travail perpétuel

Alors que le Luxembourg s’apprête à disputer son dernier match contre l’Italie ce soir dans cet Euro U17, retour sur Mario Mutsch, entraîneur derrière la qualification historique. Un homme à la recherche constante de la perfection, insistant sur la chance que vivent actuellement ses joueurs.

Assis sur la terrasse du Shefayim Hotel, Mario Mutsch nous accueille pour un entretien conséquent. Le sélectionneur ne botte pas en touche, appuie ses opinions, prend le temps de réfléchir, et s’engage. Une discussion riche, qui permet, assez vite, de cerner le portait de l’homme en face : celui de quelqu’un qui s’est toujours battu, et qui, encore aujourd’hui, est toujours en quête d’amélioration, fusse t-elle personnelle ou au sein de son groupe.

Un sélectionneur qui, selon ses dires, n’avait pas forcément vocation à devenir coach : « Je ne sais pas si j’ai toujours eu la fibre entraîneur. Au début tu es joueur, tu fais, tu exécutes, tu ne réfléchis pas. Arrivé un certain âge, tu apprends peut être, et tu prends un rôle de leader. Tu commences à avoir une fonction « d’adjoint » sur le terrain. Et quand tu arrives sur la fin de ta carrière, tu commences à te poser des questions sur l’après. Comme j’ai toujours dit, j’ai eu beaucoup d’entraîneurs, et de certains j’ai pris ceci, d’autres cela, certaines choses me sont restées, d’autres, moins. Je me suis dit que ça pouvait coller, et je me suis lancé dans les diplômes.»

Un travail tant footballistique qu’humain.

Mario Mutsch, après sa carrière de joueur, repart donc au plus bas. Direction les U12, des gosses, qui imposent une autre vision du métier : « Ce n’est pas de la tactique. C’est du pédagogique, et il faut aussi s’armer de patience. Pas tout le monde ne peut gérer des petits enfants. Je suis quelqu’un d’exigeant, et ça peut être un peu compliqué parfois pour moi ». Si cette période est logiquement vue comme pas si simple à gérer, l’ancien joueur polyvalent se souvient de cette époque comme extrêmement utile à son développement. « Tu crois que parce que tu as été joueur professionnel tu connais tout, mais tu te rends vite compte que ce n’est pas le cas. Donc tu travailles, tu repars de zéro. Mais je suis content qu’on ne m’ait pas fait de cadeaux. Je n’ai pas reçu de passe-droit malgré mes 101 sélections. Au début, tu es un peu déçu mais au final, cela a été extrêmement formateur. Cela m’a énormément aidé de commencer en bas et de réfléchir d’abord comme un formateur et non comme un entraîneur. »

Passé cette période, Mutsch reprend alors les U15. Le voici ainsi coach principal au sein de la FLF, lui qui n’est absolument pas passé par un tel système pour rejoindre le monde professionnel. Une différence de parcours, parfois plus chaotique, que l’entraîneur utilise pour faire réaliser à ses joueurs la chance qu’ils ont : « J’étais mécanicien, et j’allais travailler à seize ans tous les jours, et faisais 40 kilomètres pour aller à l’entraînement par jour. Aujourd’hui, beaucoup n’ont pas cette rage et peuvent vite abandonner. Je ne peux pas dire que j’ai eu une vie difficile, mais quand j’étais en apprentissage, j’avais un salaire de 1 100 euros net, et il fallait vivre avec ça. Donc oui, en effet, j’avais la faim de réussir, et je voulais le monde professionnel. J’aurais pu choisir le confort dans des championnats non-professionnels qui auraient mieux payer, mais c’était une question de détermination. Si tu es toujours dans le confort, tu n’es pas préparé à la réalité. Et les gamins peuvent oublier la chance qu’ils ont des fois, c’est un quotidien qui est devenu « normal » pour eux. Et de ne pas être passé par cela, par ce luxe, me permet de bien leur rappeler la chance qu’ils ont d’être ici, et d’être si bien entouré. Porter le maillot luxembourgeois devient de plus en plus dur, et il va falloir s’arracher pour rejoindre le haut. Il faut rester humble, et bosser.»

Les compétences avant les postes

Précisément. Parmi ce contingent de joueurs ici présent pour le Championnat d’Europe des Nations U17, combien perceront jusque la A ? Dur à dire. Les statistiques, elles, sont sans appel. Dans les grandes nations européennes, 95% des joueurs sélectionnés dans cette compétition, ne termineront pas professionnel. Des chiffres terribles, qui expliquent bien que le chemin est encore très, très long avant d’attendre ses rêves. « On ne peut pas dire combien de joueurs vont réussir. Je pense qu’en U17, c’est encore des gamins, et le développement final est encore si loin… A un moment donné, il va falloir s’imposer, dans un système où les entraîneurs sont sous la pression des résultats. Cela peut être dur pour eux de donner du temps de jeu aux gamins. Et il y aura aussi le goût à certaines choses, les distractions… C’est énormément de facteurs, qui montrent bien à quel point c’est difficile de percer. La structure familiale, l’entourage jouent aussi énormément un rôle. Je pense aux parents, je pense aux agents, qui n’ont pas nécessairement les meilleurs intérêts pour la carrière des gamins. »

Des gamins que Mutsch essaye de faire grandir autant que possible, axant souvent le développement plus sur l’homme que le footballeur. À un âge où les distractions deviennent légion, il est important aux yeux du recordman en sélection de faire grandir et responsabilises ses poulains : « Je suis quelqu’un très exigeant, mais je sens aussi le moment ou le joueur a besoin d’une discussion, d’un câlin, ou d’un coup de pied au cul. Je donne beaucoup de confiance à mes joueurs, mais ils savent qu’il ne faut pas en profiter. Je les traite comme une équipe première. Il y a des conséquences dans la liberté qui est offerte ». 

Pour autant, pas questions de bouder son plaisir. Car cette compétition est une chance folle. Et pouvoir affronter la crème de la crème, le temps de trois rencontres, est assurément plus formateur qu’un nombre incalculable d’entraînement. Si les résultats n’ont jusqu’à présent pas été au rendez-vous, Mutsch, lui, n’en a cure. « J’imagine déjà les gens au pays qui regardent les scores et se disent « ah bah voila, ils sont nuls, de toute façon, leur qualification, elle était chanceuse ». On peut parler de chance, mais il faut aller la chercher ! L’Angleterre, on l’a battu sur le terrain ». Un succès qui a d’ailleurs entretenu au sein du groupe l’illusion que le football n’était peut être que des belles émotions. Après la Belgique, la Norvège, l’Azerbaidjan, et finalement l’Angleterre, ce groupe, habitué aux succès, essaye dorénavant d’apprendre le goût de la défaite. « Dans le vestiaire, les gamins étaient tristes, mais j’essayais de leur dire que ces sentiments font partie du football. Ce groupe n’a dans l’ensemble connu que la joie. Etre déçu, se poser des questions, c’est une partie énorme du quotidien d’un footballeur. »

Pour le sélectionneur des U17, qui reprendra l’an prochain le groupe U19, cette expérience à Tel-Aviv est de celles qui forgent. Qui soudent. Qui modulent. Tant les joueurs, que lui, qui, dans sa quête perpétuelle d’amélioration, cherchant à gommer ses défauts. Dans l’optique de reprendre dans le futur un club professionnel ? « Je dois me sentir prêt. Tant que je n’ai pas ce sentiment là, je ne chercherais pas ailleurs. J’ai encore deux ans et demi de contrat ici. Je dois toujours passer des diplômes, je dois terminer mon UEFA A et j’aimerais passer après tout de suite la licence pro. Je suis bien ici, et tant que je n’ai pas l’impression que je peux aller vers l’avant, je veux continuer de travailler mes gammes. Je suis quelqu’un qui sait toujours ses qualités et ses défauts. J’essaye de travailler ces derniers, pour un jour, pouvoir exécuter ce que je veux ».

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