Une baisse de niveau évoquée par les principaux acteurs, des effectifs qui tardent à se renouveler, des gradins souvent vides et un championnat féminin réduit à 6 équipes, le handball luxembourgeois peine à se refaire une santé depuis la crise sanitaire.
À 34 ans, Tom Meis a décidé de ranger les baskets. Son club de coeur, le HB Käerjeng, a subi trois défaites lors des trois premières journées. « La situation est compliquée. Les jeunes, entre autres, manquent à l’appel », confie-t-il. « Le championnat AXA League a baissé de niveau depuis la pandémie. Dans le désordre, Dudelange, Berchem et les Red Boys sont favoris au titre de champion. » La saison 2025-2026 est lancée.
« La saison passée, je m’entraînais deux fois par semaine. Je tenais la distance lors du match du week-end », sourit Tom Meis qui a mis un terme à sa carrière au mois de mai. « Je n’ai aucun regret. Je vais être papa pour la seconde fois. Le temps manque. » Il dresse un constat. « Avant la pandémie, il était difficile, très difficile même de performer pendant soixante minutes. Le niveau du championnat était plus élevé. » Le trentenaire poursuit. « J’exagère mais, selon moi, il n’y a que des « étrangers » au sein des noyaux. À un certain âge, un sportif pense d’abord à l’argent. Ces joueurs sont moins forts que par le passé. OK, d’accord, les jeunes éléments progressent, acquièrent de l’expérience avec des routiniers mais cela ne suffit pas. » Lucide, les yeux en face des trous, Tom en remet une couche. « Je m’interroge : j’ai joué avec Elledy Fernandes Semedo à Differdange. À 37 ans, il fait toujours ses matchs. Tant mieux. Mettez Fernandes dans une formation de 2e ou de 3e Bundesliga et il éprouvera des problèmes pour être à la hauteur. Le garçon le sait mieux que personne. » L’AXA League n’est-elle plus ce qu’elle a été ? Poser la question c’est y répondre. Figure de proue, le HBK n’y arrive plus à concurrencer les ténors.
Avec quatre défaites dont deux face au Standard (26-24) et au CHEV Diekirch (28-30), soit des formations moins ambitieuses, le HBK vit des débuts cauchemardesques. La (troisième) défaite face à Esch (25-31) qui ne boxe plus dans la cour des grands atteste les difficultés actuelles. Concurrencer le trio Dudelange – Berchem – Red Boys favori dans la course au titre relèverait du miracle. « J’ai souvenir d’avoir mordu la poussière face à Diekirch l’an passé. Cela avait fait mal », glisse-t-il. Un incident de parcours. « Quand tu débutes mal, tu manques de confiance. Avant de croiser le fer avec les clubs huppés, c’est loin d’être idéal. » Ces résultats démontrent la souffrance d’un club qui se cherche. « D’un côté, mais ce n’est pas nouveau, l’argent manque. De l’autre, il serait opportun d’avoir des jeunes joueurs, de les former mais il y en a si peu. Le club de football (distant d’une centaine de mètres), lui, en a beaucoup. » Les dents grincent. C’est une lapalissade mais le handball n’est pas le football et inversement. « OK. N’empêche, Berchem récolte les fruits de son travail. Le club de basket, de foot et de handball de Dudelange s’appuie et mise sur la jeune classe : la ville a une image de marque, ce qui attire l’attention. Qu’on le veuille ou pas, c’est moins le cas de Käerjeng. Un ensemble de choses explique cette période délicate. À l’exception d’une infidélité de deux ans (2018-2020) à Differdange, j’y ai toujours joué. Je connais bien la maison. » Le principal intéressé sait de quoi il parle. « Le départ du président Marc Sales qui était le principal sponsor fut un coup rude. Monsieur Sales a structuré le club. Il l’a aussi aidé financièrement et il a amené des gens. » En un mot comme en cent, l’après Marc Sales est une ère « compliquée ».
La présence des spectateurs diminue lors de la phase classique de la compétition. « Je ne pense pas me tromper en affirmant qu’il y en a de moins en moins. L’apparition du « live » et/ou des vidéos a un impact considérable. Les gens préfèrent rester dans leur divan ou regarder leur téléphone. » affirme Tom Mies. Presque comme par magie, le public se déplace plus volontiers dès le coup d’envoi des playoffs : le suspense augmente, l’adrénaline monte, la tension est palpable au cours de la dernière ligne droite décisive pour terminer à la première place. « Organiser une finale pour désigner le champion via un « Best of Three » – c’est le cas en basket et en volley-ball – serait une bonne solution. » Le vœu de Tom Meis ne sera pas exaucé. « Les clubs ont choisi de ne rien changer », acte le secrétaire de la fédération, Christian Schmitt. Dont acte.
Alexandre Scheubel, directeur technique national, étaie son sentiment de continuer avec la formule des playoffs. « Les dernières éditions l’ont montré : le mode de fonctionnement (playoffs titre et classement final) en vigueur était idéal. La position de la fédération à ce sujet est identique. Avec 14 équipes masculines recensées (8 en Axa League et 6 en Promotion), une réduction de 8 à 6 dans la compétition domestique ne serait pas forcément bénéfique. Notre mission doit être d’amener les clubs à investir dans la jeunesse afin d’améliorer la qualité mais aussi la quantité des joueurs. Cette façon de procéder permettrait d’obtenir un meilleur équilibre entre les équipes et rendrait les matchs encore plus passionnants. »
Mais lorsqu’il évoque la problématique du handball féminin, clairement la fédération est à la recherche d’un nouveau souffle. L’organisation d’un « Best of Three » lors de la saison 2024-2025 a été un coup dans le mille. L’expérience est renouvelée cette saison. Un groupe de travail est à l’ouvrage pour améliorer le niveau général. Avec quatre équipes qualifiées en lieu et place de six lors des playoffs, la saison féminine 2024-2025 en fut une de transition. Le changement majeur opéré a été un succès : mise sur pied de 1/2 finales – aller/retour : le 1er contre le 4e et le 2e face au 3e. En finale, les deux équipes victorieuses ont eu le loisir de s’affronter au meilleur des trois manches. Ce « Best of Three » a souri à Käerjeng au plus grand désappointement de Dudelange, leader du début à la fin… sans être récompensé à l’heure des bilans. Un scénario cruel pour le HBD.
« Avec le BOT, le souhait est de dynamiser la fin de saison, d’attirer plus de public et d’accroître l’intensité sportive. L’effort logistique et physique demandé est plus important au risque, c’est à prendre en considération, d’un possible affaiblissement de l’importance de la saison régulière », développe Alexandre Scheubel. Le DTN ajoute. « Le changement opéré est, d’une manière générale, très positif. Il nécessite une évaluation permanente. » Pourquoi se résoudre à organiser un BOF, contrairement aux messieurs ? « La problématique est différente chez les dames », explique-t-il.« Malheureusement, le nombre de joueuses n’a cessé de diminuer ces dernières années, ce qui a entraîné une réduction des équipes. Certains clubs ne sont plus en mesure d’inscrire des « seniors » et les « réserves » ont carrément disparu. » Si le niveau sportif est en chute libre, des idées sont sur la table pour relever la tête. « La tendance à pratiquer le handball chez les jeunes filles est réjouissante. L’objectif est de recenser (au moins) 16 équipes seniors – réserves comprises – le plus vite possible. Il faut un peu de temps. » Un groupe de travail est constitué et il doit élaborer des stratégies lors des prochaines semaines : « un projet visant à améliorer et à équilibrer le niveau du handball féminin. » Qui n’avance pas recule.
Vincent Lommel
Mental Médias SARL
15 Rue Emile Mark
L-4620 Differdange LUXEMBOURG