
Ils sont les investisseurs, tous inspirés peu ou prou par celui qui a quitté le Grand-Duché le mois dernier : Flavio Becca. Retour sur ces mécènes, sponsors, fonds étrangers ou généreux présidents, mannes financières ou espoirs déçus.
Le Racing ou le FCD03 auraient-il pu disputer des compétitions européennes si leurs présidents respectifs Karine Reuter et Fabrizio Bei n’avaient pas mis la main au portefeuille et renoncé à leur propre créance ? Le Progrès sans Marochi, la Jeunesse Canach sans Weber, l’UN Kaerjeng sans Zenner seraient-ils toujours dans l’élite ou ces clubs seraient-ils condamnés à moyen terme à la faillite ? L’argent est le nerf de la guerre. Si certains pensent qu’il tue le foot, la plupart des acteurs au pays conviennent qu’il le met sous perfusion. Le problème est qu’il s’agit parfois d’un palliatif sans stratégie à plus longue échéance. La preuve par l’exemple.
Il en est un qui a animé bien des débats, des fantasmes et des rejets : Flavio Becca. Le directeur de Promobe Immobilier a investi des sommes colossales dans notre football, mais ses deux expériences à Dudelange et Hesperange laissent tout de même un goût d’inachevé, voire de colère. Nos demandes d’interviews sont restées lettres mortes, aussi n’aurons-nous qu’une version lacunaire des événements, mais les faits sont édifiants. L’hommes d’affaires a d’abord investi dans le F91 à la fin des années 90. Suffisamment pour que le club se retrouve rapidement à jouer les premiers rôles, gagne vingt-trois titres entre 2000 et 2019 et envoie son équipe fanion en phase de poules d’Europa League. Deux fois !
Et surtout avec assez d’intelligence de l’autre côté du miroir pour ne pas se faire épingler. Ainsi l’illustre la réponse du ministre des Sports en septembre 2018 à une question parlementaire sur la multi-propriété inquiétante en BGL Ligue : « La FLF constate que le propriétaire des firmes qui sponsorisent le club du F91 Dudelange n’est ni président du club, ni membre de son conseil d’administration, ni membre du C.A. d’un autre club de football au Luxembourg. » En restant dans l’ombre comme « principal sponsor », Becca s’assure une forme de tranquillité. Et d’impunité aussi, pour obliger tel joueur à rejoindre un club « satellite », refuser un transfert même temporaire à tel concurrent, ou bloquer les salaires et indemnités en cas de contre-performances. Et il ne s’est pas contenté du Grand-Duché en devenant dans le même temps « repreneur » officiel du Royal Excelsior Virton sous la forme de sponsorings, par Leopard ou d’autres firmes dans sa constellation.
Sans validation par la commune du projet de nouveau stade sous l’égide du promoteur, Becca quitte la Forge du Sud. À son départ pour Hesperange en 2019, il laissera un vide difficile à surmonter pour le F91, qui serait au fond du gouffre sans la main à la pâte de Luigi Tallarico. Au même titre que son passage outre-Moselle au 1.FC Kaiserslautern qu’il quitte après un an seulement et un prêt de 2,8 millions d’euros qui n’a jamais été suivi des 25 millions supplémentaires promis. Au Swift, le défi est de taille, mais la carotte immobilière proportionnelle.
Il dépense sans compter, l’effectif de l’équipe première atteignant plus de 40 garçons, avec des salaires qui rebattent totalement les cartes du marché. Le club remonte en BGL Ligue immédiatement, remporte un premier titre historique et vit un troisième tour de Conference League dès 2023. La machine à gagner est relancée. Mais ses pratiques de blocage des salaires entraînent d’abord une grève des joueurs, puis deux, et un refus de licence UEFA, indispensable pour jouer les compétitions européennes. Jusqu’à des plaintes déposées auprès de la FIFA qui conduisent à l’interdiction de tout transfert. Le grain de sable est redoutable : le château de cartes s’écroule.
Du côté de Dudelange, on réduit la masse salariale de 40%, et Gigi Tallarico, sponsor de longue date, prend le relais en 2022. Avec autant d’ambitions mais moins de moyens. Le moteur a des hoquets, on parle deux ans plus tard de repreneurs turcs, un mirage qui ne verra jamais le jour. Pourtant, le modèle a fait des émules. Fabien Zuili a tenté de suivre les traces du grand Flavio en reprenant le FC Schifflange 95. La montée historique en BGL Ligue n’aura pas suffi et le président repart en catimini, aussi vite qu’il est arrivé. À l’été 2024, il laisse une ardoise de 80.000€ à son successeur… Au Red Star Merl-Belair, il démissionnera moins de 6 mois après son entrée en fonction. N’est pas Becca qui veut, les Grecs en feront les frais à Esch.
Car Manthos Poulinakis et son bras droit Panos Katsaitis rappellent de bien mauvais souvenirs à Esch. Le projet bien qu’enthousiasmant n’a jamais été suivi des finances miroitées par leur arrivée à la présidence de la Vieille Dame (2020-2022). Les retards voire les impayés de salaires ont émaillé les saisons, ponctuées d’une valse des coachs, entre Weiss, Petrakis, et Strasser. Pourtant, à laisser traîner les oreilles un peu partout un an plus tard, les Grecs n’ont pas si mauvaise presse. Ils n’auraient selon certains pas eu les coudées franches, d’autres n’hésitent pas à avancer que leur projet a même pu être saboté volontairement au vu des piètres performances sportives alignées après le départ de Jean Cazzaro au bout de 16 ans.
Des expériences avec des fonds étrangers qui n’ont pas pour autant échaudé définitivement les investisseurs. Selon nos sources, Red Bull aurait approché un club luxembourgeois dans le but d’investir plusieurs millions avec un plan triennal. Dernièrement, d’autres rumeurs indiquent que des Américains s’intéresseraient à une division inférieure pour une épopée vers la BGL Ligue avec des projections à 7 chiffres. Mais le statut d’Associations sans but lucratif des clubs au Grand-Duché limite les apports en espèces sonnantes et trébuchantes et rebutent certains intérêts, condamnés à rester dans l’ombre pour imaginer un montage financier rentable. De quoi se faire des cheveux blancs, surtout en songeant au modèle économique de rigueur adopté par les nouveaux prétendants à l’Europe que sont Strassen et Mondorf, seul chemin possible quand on ne croit plus au miracle d’un messie venu du ciel. La voie de l’investissement est-elle sans issue sans réforme des statuts ?
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