Décembre a vu une campagne 2021 inédite se clôturer par l’une des finales de championnat du monde de la discipline les plus sensationnelles de l’histoire. Avec une conclusion dramatique et encore fraîche dans l’esprit des fans et des vingt acteurs de la grille, la catégorie reine du sport automobile promet une autre campagne record de vingt-trois courses, imprévisible, excitante et innovante.
Cartes rebattues ?
Bien sûr, il y a la perspective d’une revanche tendue et attendue entre les deux protagonistes de la saison passée : le septuple champion du monde Lewis Hamilton et Max Verstappen, qui voudra défendre sa première couronne mondiale.
Deux pilotes dont la destinée s’est jouée lors de l’ultime tour de la manche émiratie, dans la nuit d’Abu Dhabi. Mais l’attente est également élevée concernant les plus grands changements de réglementation technique depuis des décennies, conçus principalement pour réduire les coûts et pimenter le spectacle. Après les essais à Bahreïn, cependant, il semble que les règlements n’aient fait qu’ajouter des interrogations supplémentaires sur ce à quoi il faut s’attendre.
Pour la première fois depuis longtemps, les nouvelles voitures sont radicalement différentes des précédentes : elles sont plus lourdes, avec des roues et des pneus plus grands, des « nez » plus longs et, surtout, beaucoup moins d’appendices aérodynamiques élaborés. En bref, elles sont plus simples.
Si les années 1970 et 1980 ont été marquées par des innovations folles comme les voitures à six roues, les voitures « ventilateur » et « théière » (the yellow teapot), cette époque est révolue depuis longtemps en raison de règles de plus en plus strictes. Malgré cela, les équipes ont conçu un éventail relativement large d’interprétations différentes cette saison. Dans l’ensemble, la nouvelle approche en matière d’aérodynamisme a fait ressembler les véhicules à leurs ancêtres du début des années 1990. Et il semble que ce soit la Ferrari F1-75 qui ait le plus détonné à première vue, avec une approche « radicale », voire agressive, selon Charles Leclerc, qui rappelle la F1-90 (également connue sous le nom de 641) de 1990, exposée au Musée d’art moderne de New York.
Mais si la complexité de leurs ailerons et autres appendices a été atténuée, l’accent mis sur l’aérodynamisme, lui, ne l’a pas été.
Cette année marque un retour en force après quarante ans de « l’effet de sol ». Celui-ci est créé par des tunnels en forme d’aile d’avion inversée et génèrent beaucoup plus d’appui, ce qui signifie que les voitures pourront désormais rouler avec des ailerons arrière moins volumineux. Les effets de sol étaient particulièrement exploités à la fin des années 70, jusqu’à ce qu’ils soient interdits en 1983, car jugés trop dangereux.
L’idée est de faire en sorte que les voitures soient moins affectées par l’air turbulent créé par les ailerons de celles qui les précèdent, de faciliter les dépassements et d’améliorer le spectacle, grande priorité de l’ère Liberty Media.
Pourtant, lors des essais de présaison, les pilotes avaient constaté que, s’il était plus facile de se rapprocher d’une autre voiture, il y avait un moment de perte d’adhérence extrême lorsqu’ils sont sur le point de passer. Cette perte d’adhérence réapparaît ensuite lorsqu’ils se rapprochent légèrement, rendant la manœuvre potentiellement plus dangereuse. Les voitures sont également beaucoup plus difficiles à contrôler dans les virages à faible vitesse que par le passé.
Un autre nouveau problème lié à l’effet de sol est défini par ce que l’on appelle le porpoising. Ce terme avait été inventé par Mario Andretti lors de l’ère précédente des voitures à effet de sol, alors qu’il testait sa Lotus sur le circuit de Silverstone en Angleterre. Sur les lignes droites à grande vitesse, lorsque les voitures sont très proches de la piste, elles perdent soudainement de l’adhérence, puis la retrouvent et la perdent à nouveau, entraînant des rebonds. Cela coûte à la fois en vitesse et en confort pour le pilote. Charles Leclerc, pilote Ferrari, a été l’un des premiers à l’évoquer « On a l’impression d’avoir des turbulences comme dans un avion en montant et descendant toute la ligne droite », ajoutant que cela le rendait un peu malade.
Autre changement à relever : la taille des pneus, passée de 13 à 18 pouces cette année, également pour réduire « l’air sale » de la voiture qui précède. Mais certains pilotes se plaignent d’une traction moindre et de problèmes potentiels de durabilité. Quoi qu’il arrive sur le plan technique, le feuilleton entre les pilotes ne manquera pas de réserver quelques surprises, et peut-être même un changement de paradigme.
Après près d’une décennie de domination de l’équipe Mercedes (2014 et l’arrivée des moteurs turbo) et de son pilote vedette Sir Lewis Hamilton, les attentes sont élevées pour un changement de génération qui a déjà été préfiguré par Verstappen, terminant en première position la saison dernière. Cette victoire avait privé Hamilton d’un huitième titre, un record, d’une manière très controversée.
Mercedes au bluff ?
C’est une question qui revient chaque début d’année après les premiers essais. Mercedes est-elle en train de bluffer ? Le septuple champion du monde britannique a très tôt déclaré que la nouvelle W13 n’était pas prête à remporter des courses, voire à jouer les premiers rôles. De plus, il a à ses côtés un nouveau jeune coéquipier, George Russell, vingt-quatre ans, qui a envie de faire ses preuves en arrivant de la petite écurie Williams, où il a réalisé quelques coups d’éclat.
Côté concurrence, la voiture pilotée par Verstappen et Sergio Pérez avait terminé les essais à la même place que la saison dernière : en haut de la feuille des temps. Pour la première fois en deux ans, la célèbre écurie de Maranello semble être prête à jouer de nouveau les premières places. McLaren tentera de poursuivre sa renaissance en s’appuyant sur la force de l’année dernière, Daniel Ricciardo, 32 ans, qui avait remporté une victoire surprise au Grand Prix d’Italie à Monza, tout comme Lando Norris, 22 ans, autre membre de la prochaine vague de talents.
Il y a eu très peu de changements majeurs dans les équipes, à l’exception de la petite protégée américaine Haas, qui a abandonné son sponsor russe, Uralkali, et son pilote Nikita Mazepin en raison de la guerre en Ukraine déclarée le 24 février dernier. Pour remplacer le Russe, Haas a réengagé le Danois Kevin Magnussen, qui avait piloté pour l’équipe de 2017 à 2020.
Ensuite, il y a Valtteri Bottas, désormais chez Alfa Romeo après avoir piloté aux côtés de Lewis Hamilton chez Mercedes ces cinq dernières années. Il est rejoint par la recrue Guanyu Zhou, 22 ans, le premier pilote chinois de l’histoire de la Formule 1. Alexander Albon, 25 ans, revient suite à une année d’absence – après avoir quitté son cocon Red Bull – pour remplacer George Russell chez Williams.
La saison 2022 devait initialement comporter 23 courses, ce qui en aurait fait la plus longue à ce jour, mais la guerre en Ukraine a provoqué l’annulation de la manche russe à Sotchi, prévue en septembre. En mai, l’épicentre culturel de la Floride, Miami, accueillera sa première course, tandis que le Grand Prix des États-Unis reviendra à Austin en octobre. C’est la première fois depuis 1984 que les États-Unis organisent plus d’une course alors que celles d’Australie, du Canada, du Japon et de Singapour, qui avaient été annulées pendant deux ans en raison de la pandémie, apparaissent toutes de nouveau au calendrier.
L’ombre de la pandémie demeure toutefois, puisque Daniel Ricciardo a été testé positif au Covid-19, échappant de justesse à un forfait pour la première course à Bahreïn, tandis que Sebastian Vettel (Aston Martin) a également été remplacé par son compatriote Nico Hülkenberg à Sakhir.
Parmi les retouches apportées au règlement sportif, la direction de course occupe le devant de la scène. Michael Masi, qui avait pris la décision controversée à Abu Dhabi en décembre dernier, a été remplacé par deux hommes : Niels Wittich et Eduardo Freitas occuperont ce poste en alternance durant les vingt-trois manches. Un autre visage bien connu de la Formule 1, Herbie Blash, ancien bras droit du regretté Charlie Whiting sort de sa retraite et officiera tant que conseiller de la direction de course.
Comment tous ces changements vont-ils être appréhendés cette année, tout le monde peut avoir une idée, mais personne ne peut le certifier. Une chose est sûre, c’est qu’après le lever de rideau sur la plus grande scène du sport automobile, la Formule 1 aura une fois encore un superbe spectacle à proposer.
Réponse dans quelques mois dans la nuit d’Abu Dhabi, sur le désormais célèbre tracé de Yas Marina, quand le drapeau à damiers s’agitera.
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