Plongée au coeur du Centre de formation

8 minutes
©Marco Noel

Nos Roud Léiwen sont tous passés par là. Le Centre de Formation National à Mondercange, « l’école de foot » comme le surnomme affectueusement Paul Philipp, président de la FLF qui l’a vu évoluer depuis 20 ans. Immersion le temps d’une après-midi au coeur de la matrice de la sélection.

Les joueurs qui ont la chance d’intégrer le centre de formation national ne doivent pas être allergiques aux déplacements. Il s’entraînent à Mondercange quatre fois par semaine du lundi au jeudi avec des matchs le mercredi contre des équipes étrangères des pays limitrophes. Pendant les vacances scolaires, ce sont deux entraînements par jour. Sans compter les étudiants du Sportlycée qui ont deux séances hebdomadaires supplémentaires avec des entraîneurs dédiés. Seul le vendredi est libre pour tous, permettant de s’entraîner dans leurs clubs respectifs. Car la particularité de l’école de foot du Luxembourg est de s’être adaptée à la géographie du pays, offrant la possibilité à ses jeunes pousses de rester licenciés et joueurs de leurs clubs, grâce à un service de navettes qui viennent les chercher et les ramènent à leur domicile ou à leurs établissements scolaires.

Et l’éducation n’est pas en reste dans le cursus du centre de formation : une professeure fait le lien avec les équipes pédagogiques des lycées avec des contacts hebdomadaires, pour vérifier la bonne conduite des élèves mais aussi leur offrir des cours de rattrapage individualisés et de l’aide aux devoirs. Si aucune obligation de résultats n’est exigée sur le plan scolaire, le comportement doit être irréprochable sur les bancs de l’école comme sur le terrain avec un engagement sous forme de charte.

Détecter les talents

Pour faire sa rentrée à l’école de foot, il faut forcément passer par la case « détection » qui s’étend désormais sur trois saisons. Deux responsables par région, soit huit détecteurs, quadrillent le Grand-Duché pour dénicher les futurs Roud Léiwen sous la coordination de Claude Campos. Les joueurs sélectionnés participent alors à des entraînements régionaux organisés deux fois par semaine, grâce aux partenariats avec les clubs du territoire qui prêtent leurs installations sur les terrains synthétiques. À la fin de chaque saison, 2 à 3 confrontations sont disputées entre les régions à Mondercange devant tout le staff réuni pour évaluer le niveau et la marge de progression selon l’âge des joueurs. Parfois, certains profils échappent au radar mais il n’est jamais trop tard pour les repêcher à 14 ou 16 ans car tous les joueurs sont peu ou prou suivis : Laurent Jans par exemple n’avait pas été sélectionné et est arrivé bien tardivement pour désormais porter fièrement le brassard de capitaine.

Les meilleurs sont retenus à partir de douze ans, et chaque année ce sont environ 50 jeunes qui intègrent l’école de foot. Depuis deux saisons, des catégories d’âge intermédiaires ont été créés par tranche d’une année. Ainsi, un enfant qui fait le parcours complet vivrait 7 cadres différents des U12 aux U19 au centre de formation. Ou plutôt de pré-formation, car la règle tacite est de poursuivre « à partir de 16 ans à l’étranger pour intégrer un club professionnel comme 80% de nos jeunes » souligne Paul Philipp. La tâche principale alors consiste à garder un contact constant avec les responsables de leurs nouveaux clubs pour maintenir le lien et suivre leur progression.

Investir pour l’avenir

Afin de donner tous les moyens à la nouvelle génération de suivre le chemin de ses aînés et la préparer à une carrière pro, la fédération y consacre un quart de son budget total. Pour le président, c’est « un investissement sur l’avenir » qui montre ses fruits avec les résultats de la sélection. Près de deux millions d’euros sont injectés pour financer les 50 entraîneurs mobilisés, le kinésithérapeute et le préparateur physique à temps plein, le médecin qui vient trois par semaine, les heures de l’enseignante, le service de restauration ou les déplacements à l’étranger, sans compter les équipements complets (hors crampons) fournis à chaque jeune et surtout les infrastructures modernisées. Ce qui peut surprendre lors de leurs visites les observateurs de l’UEFA ou la FIFA qui constatent la qualité du centre de formation en matière de ressources humaines et d’installations sportives pour une nation qu’ils sous-estimaient bien souvent avant de la citer à présent comme pilote.

Au cours de la visite, nous constatons que les jeunes ont investi l’ensemble des espaces qui leur sont dévolus : certains s’entraînent sur les terrains synthétiques nouvelle génération, d’autres profitent de la salle de fitness dernier cri. Nous croisons au réfectoire les retardataires à la collation et dans la salle de classe les plus studieux. Tous montrent le même visage de fierté, ce sentiment d’appartenance à quelque chose qui les dépasse et va bien au-delà du seul football. La passion commune pour un sport et derrière lui toute une nation.

S’inspirer des meilleurs

La FLF s’est inspirée de plusieurs modèles pour arriver à une telle organisation : la France évidemment qui fait figure d’exemple en matière de formation, mais aussi de façon plus exotique l’Islande, qui a su investir en masse non seulement dans une quarantaine de stades couverts ou encore dans le sport à l’école pour tirer son épingle du jeu des petites nations du football. Car le ballon rond est un vecteur d’ascenseur social non négligeable pour les plus de 15.000 jeunes qui ont joué au moins une rencontre recensés parmi les 47.551 licenciés à la fédération luxembourgeoise. Don le président s’est déplacé en personne sur l’île volcanique de l’Atlantique Nord afin de récolter les recettes d’une sélection qui a participé à l’Euro 2016 puis au Mondial 2018. 

La Belgique enfin a soufflé au Grand-Duché l’idée dénichée sur les plages de la Mer du Nord de débuter chez les plus jeunes en équipes de trois contre trois (Bambini). Et le nombre des équipes inscrites augmente d’années en années, non seulement avec l’arrivée d’une vague migratoire élevée dans la culture du foot, mais aussi des infrastructures adaptées et le travail de fond réalisé par Claude Campos en matière de formation des entraîneurs de jeunes. D’autant que le Ministère des Sports apporte son soutien par le subside qualité + pour récompenser les encadrements qualifiés dans les clubs, ce qui incite considérablement la certification diplômante pour les coachs.

La genèse du CFN

Et l’on partait de très loin ! À l’origine, l’idée a germé dans la tête du sélectionneur adjoint Marcel Bamberg à la fin des années 1990 sur le constat d’un trou générationnel au niveau qualitatif : les stars vieillissantes revenaient tous au pays et il fallait donc recommencer avec la base. Paul Philipp, alors à la tête des Roud Léiwen, ne misait pas un sou sur ce qu’il qualifiait de « folie ». Mais en 2000, il se laisse convaincre et décide de passer à l’action : ils présentent le projet dans les différentes régions qui le reçoivent avec beaucoup de scepticisme. Pourtant les premiers cadres sont en ordre en marche. 

Le tournant arrive en 2010 sous l’égide de Reinhold Breu, formateur venu d’Allemagne (désormais directeur technique en Lituanie) qui a pu apporter sa vision moderne de structures plus performantes pendant une décennie. Encore fallait-il trouver les fonds pour satisfaire ces nouvelles ambitions : la fédération a pu compter sur le soutien politique avec des investissements dans les infrastructures sportives et les programmes scolaires pour la promotion du sport, mais elle s’est surtout chargée de se donner elle-même les moyens en recrutant des personnels à temps plein pour accompagner les jeunes joueurs.

Le retour sur investissement ne s’est pas fait attendre avec l’émergence de talents qui s’exportent dans les meilleurs championnats et font les beaux jours de notre sélection nationale, pour le plus grand plaisir des supporters et les plus grands rêves des footballeurs en herbe.

Marco Noel

Marco Noel

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