
C’est LA révélation sportive de cette d’année. Et la promesse de jours heureux. La jeune Lea Tonus n’en finit plus de faire parler d’elle et de tutoyer les podiums espoirs. Elle s’estime chanceuse et privilégiée à plus d’un titre, mais certaines âmes bien nées savent se créer leur propre chemin de lumière. Rencontre avec une étoile.
Lea Tonus a eu 18 ans cet été. En discutant à bâtons rompus avec cette passionnée au sortir de son entraînement, on lui en donnerait facilement le double. Il faut dire que le sport de haut niveau, ça force la maturité. À 16 ans, elle signait déjà son premier contrat de sponsoring avec le plus gros fournisseur mondial de tir à l’arc, le géant américain Hoyt. À 17 ans, elle emportait la médaille d’or à l’illustre Occitanie Nîmes Archery Tournament en U21. C’était en janvier 2025. Une flèche de tie-break en finale, un shoot-off face à une adversaire qui avait le public acquis à sa cause, et un sang-froid à toute épreuve. Son meilleur souvenir. La majorité à peine acquise, le permis en poche depuis seulement un mois, elle est désignée Prix spécial de la jeune espoir par l’ensemble de la presse sportive luxembourgeoise. Une distinction prestigieuse et inattendue : « J’étais surprise ! Le tir à l’arc est une discipline de niche… En 2023, Gilles et Mariya avaient raflé des médailles et n’ont pourtant terminé que 3e meilleure équipe. Ce n’est pas le sport auquel on pense en premier. »

Pour parvenir, le chemin a été atypique. Lea Tonus ne découvre le tir à l’arc qu’à 12 ans. Fille d’un nageur de haut niveau belge et d’une Italienne tout aussi sportive, elle enchaînait les sports individuels : « Dans un sport individuel, tout repose sur toi. Je préfère ne pas être responsable pour les autres d’une défaite, qui arrive beaucoup plus souvent qu’une victoire… Je n’aime pas ce qui ne dépend pas de moi ! C’est pour ça que je préfère largement la saison indoor. En outdoor, on s’entraîne toute la saison pour qu’en compétition, les coups de vents ou les conditions météo changent tout. En indoor, il n’y a que toi et l’arc. » Quitte à subir le revers de la médaille. « Je préfère être dans ma bulle. Mais forcément c’est un sport très solitaire… C’est pour ça que je tenais à avoir une vie étudiante. » N’allez pourtant pas croire que Léa est du genre à faire la fête. Chaque entraînement lui prend environ 3 heures de sa soirée. Et en rentrant chez elle : « difficile de trouver l’énergie pour sortir après le dîner ! »
Selon la tradition, Lea Tonus fait ses débuts en 2018 avec un arc olympique. « Pendant un an et demi, pour avoir la bonne position. » Puis jette son dévolu sur l’arc à poulies, l’arme de prédilection de sa mentor Mariya Shkolna-Klein. Un choix pragmatique : « Avec le compound, on a besoin d’un peu moins d’entraînements, environ 5 par semaine. En recurve, ça montait à 6 ou 7 : avec le lycée, c’était impossible pour moi. Mais au final maintenant, j’en fais tout autant ! » Un choix assumé, même si l’arc à poulies ne deviendra une discipline olympique qu’en équipe mixte en 2028, avant peut-être de s’y installer en individuel en 2032. « De manière réaliste, il n’y a aucune chance que je participe aux prochaines Olympiades. Je suis dans l’élite en junior, mais je suis très loin des podiums en senior. J’espère progresser d’ici 2032, en European GP Senior et en World Cup pour l’expérience. »

Pour preuve, sa 2e place U21 aux célèbres Vegas Shoot, qui correspond à une 62e position en Championship Compound Female. Mais Lea met toute son ardeur à améliorer son ranking et gagner le circuit mondial indoor Youth. Les entraînements s’enchaînent, et pas uniquement la dextérité au tir. Préparation physique, renforcement musculaire, kiné : « Le tir à l’arc, c’est un sport de précision mais aussi de force. Après un match, tu n’as plus d’énergie si tu n’es pas en condition. En outdoor, c’est encore pire niveau cardio. Il faut savoir rester immobile plus longtemps, ça demande de l’endurance. Même si tu tires vite, ces dix-quinze secondes nécessitent une force très intensive. » Son talon d’Achille, selon elle. Même si elle voudrait bien que son arc soit calibré de manière à ce qu’il soit le plus dur possible, Lea doit aussi tenir compte de ses limites physiques. « Plus la flèche est rapide, moins la technique est impactante. Pour le moment, j’utilise beaucoup le renforcement musculaire. Je profite du coach mis à disposition et des infrastructures du LIHPS. » C
e n’est pas son seul soutien : en tant que cadre Promotion du COSL, elle bénéficie d’une subvention, d’un coach personnel une fois par semaine, ainsi que d’une aide de l’Université du Luxembourg. La Faculté de Droit, d’Économie et de Finance a même fait une exception, unique en son genre, en octroyant pour la première fois une dérogation à une étudiante sur les cours obligatoires de son Bachelor en Business Administration. Un traitement d’exception qui l’oblige, et la rend encore plus investie pour obtenir des résultats à la hauteur des investissements.
Lors du Swiss Open de Lausanne, Lea termine 4e et établit un nouveau record national U21 à 585/600. Pas satisfaite pour autant : « Je fais une bonne prestation mais je finis par perdre 2 shoot-offs en demi et en finale. C’est rageant. » Au GT Open de Strassen, nouveau record : 148/150 puis médaille de bronze : « Après le record, je fais un 145, ce qui est dans ma moyenne, suivi d’un 142 en demi-finale… Pour revenir à 147 en finale pour le bronze. J’ai besoin d’être plus constante. » Perfectionniste ? Ce n’est pas peu dire. « Comme il n’y a qu’un seul terrain d’entraînement outdoor ici, peu exposé au vent, je fais pas mal de compétitions mineures aux alentours, en France par exemple. Pour engranger de l’expérience. » Et elle n’hésite pas à voyager : « Cette année, je suis allée dans 12 pays différents ! Même si je n’ai pas le temps de les visiter, c’est agréable de découvrir de nouvelles cultures. » Et forcément de se confronter à ce qui fait de mieux en termes d’archerie.
Ce qui peut alors faire la différence face aux monstres du compound mondial, c’est le mental. « Je travaille ma concentration par des matchs à l’entraînement où l’on compte les points. Souvent c’est quand je sens la fatigue que j’arrive à être plus concentrée ! Quand tu bandes ton arc et que tu sens tous tes bras et ton dos qui brûlent… J’adore cette sensation ! Mais le travail se fait surtout grâce à ma coach mentale. On se fixe plusieurs objectifs, comme avoir des pensées positives : si tu fais tout mal dans ta tête, tu peux déjà avoir la certitude que tu vas rater. Je travaille aussi beaucoup sur la gestion du temps et du stress. Lors de la finale à Nîmes, en shoot-off, il y a le public, ils éteignent les lumières, ils passent un son de battement de coeur… Mais j’ai réussi à ne pas me stresser ! »
Des nerfs d’acier, une envie de se transcender et une philosophie qui dépasse le cadre du tir. « Le sport m’a beaucoup aidée dans ma façon de vivre. J’essaie au quotidien là aussi de chasser les inquiétudes et de trouver des solutions. Je pense réaliser mon Bachelor en 5 ans au lieu des 3 prévus, suivi d’un master. Je compte bien préparer une bonne carrière, car je suis consciente qu’on ne peut pas gagner sa vie avec le tir à l’arc ! » Mais quand on lui demande ce qu’elle ferait avec une baguette magique, elle revient immédiatement à ce qui la fait vibrer, de l’intérieur : « il faudrait une combinaison études / sports plus harmonieuse, et un coach fixe tous les jours ! Heureusement j’ai des parents vraiment très disponibles, et qui connaissent le sport de haut niveau. Mais ne pas avoir de coach au quotidien, c’est difficile : il faut s’imposer de la rigueur soi-même. »

Ce manque d’entraîneurs est redondant dans son discours. Lea déplore bien sûr le manque de visibilité d’un sport secondaire, souvent délaissé par les médias, par le public, mais aussi sa propre fédération à l’abandon. « Tout le monde est bénévole. Y compris les coachs ! Alors sans aide financière, de la FLTA, du Ministère des Sports ou des sponsors, il faut sacrément avoir de la chance. Pour créer des conditions du succès, il faudrait de l’argent à investir dans des équipements de meilleure qualité et des coachs payés pour être là : il n’y a que comme ça que les résultats viendront. Et si les résultats sont là en masse, cela conduira les jeunes à s’inscrire et faire vivre les clubs. » Un cercle vertueux. Un vrai programme pour donner un nouvel élan au tir à l’arc grand-ducal, mais pour le moment un voeu pieux. « Personne ne fait aucune démarche. Aujourd’hui, si un jeune vient faire un stage et que ça lui plaît, il ne peut s’inscrire que pour tirer tout seul, sans coach. Il y a tellement mieux à faire. »
L’archère de la Flèche d’Or Luxembourg est non seulement une sportive de plus en plus accomplie avec une marge de progression plus que prometteuse, mais aussi une tête pensante éclairée qui pose un regard lucide sur un système à améliorer en profondeur. Tout en Lea Tonus respire l’humilité, la ténacité et la passion. Tout inspire le respect et l’admiration. Elle ne pense pas à son seul avenir, ni à ses résultats, ses scores, ses récompenses. Elle vit le tir à l’arc comme une flamme qui lui démange les doigts et ne demande qu’à être attisée pour fédérer autour d’elle. Avant de partir, elle nous propose même d’essayer le tir à l’arc. Jusqu’au bout des ongles, créer l’étincelle.
Si bien qu’elle a encore brillé ce week-end, avec la médaille d’or U21 lors de la 4e étape de l’IWS de Rio de Janeiro au Brésil…

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