À 23 ans, la coureuse d’EF Education Oatly a connu une année 2025 sublimée par trois podiums avec une présence constante sur les routes du WorldTour dont la découverte grandeur nature du Giro Donne. Lucide, offensive et déjà dotée d’une maturité sportive impressionnante, Nina Berton s’est livrée sans détour sur un exercice qui l’a résolument fait grandir. Entretien exclusif.
MENTAL! : 2025 était votre première année sous les couleurs d’EF Education-Oatly. Comment avez-vous vécu cette transition, tant sur le plan sportif que personnel ?
Nina BERTON : Cette saison a représenté une véritable année de changements. Arriver dans une nouvelle équipe n’est jamais évident, surtout en débarquant dans un groupe au fonctionnement et à la culture différents. Mais je sentais que ce changement était nécessaire pour franchir un cap dans ma carrière. L’adaptation n’a pas toujours été facile car il a fallu trouver ma place. Finalement, cela m’a permis de progresser et de me professionnaliser davantage.
Quel a été selon vous le moment qui a marqué votre véritable intégration dans l’équipe ?
Dès le début, je me suis senti bien accueillie par mes nouvelles coéquipières, ce qui m’a beaucoup aidée. Le fait également que Cédrine Kerbaol ait rejoint l’équipe en même temps que moi a aussi facilité la transition. Je dirais que le véritable moment d’intégration a eu lieu lors des premières courses à Majorque. Déjà au stage de novembre, je m’étais bien sentie dans le groupe, mais en course, porter pour la première fois les couleurs d’EF, c’était symbolique. Je faisais désormais partie de l’équipe !
Lors du championnat du Luxembourg, vous avez pris la deuxième place derrière Marie Schreiber. Comment avez-vous géré cette course et quels enseignements en tirez-vous ?
Les championnats nationaux sont toujours particuliers avec peu de participantes mais beaucoup de pression car le titre se joue entre quelques coureuses seulement. J’espérais gagner, bien sûr, mais le parcours n’était pas assez sélectif et je savais qu’au sprint il serait difficile de battre Marie. L’écart était mince mais je n’étais pas satisfaite. Cela m’a toutefois permis de comprendre qu’il me faut des courses plus dures, avec davantage d’agressivité, pour espérer renverser la situation à l’avenir.
Deux jours plus tôt, vous montiez également sur le podium du contre-la-montre national, à la deuxième place. En quoi ce résultat influence-t-il vos objectifs futurs ?
Le contre-la-montre n’est pas ma spécialité. Je n’ai encore jamais travaillé spécifiquement sur ce format. Pour ces championnats, mon pic de forme était programmé pour le Giro donc je n’étais pas totalement concentrée sur l’épreuve. Si je veux progresser dans ce domaine, je devrai y investir davantage de temps et d’entraînement. Marie prépare ses chronos de manière beaucoup plus pointue, ce qui explique aussi la différence entre nous deux. Mais c’est une discipline intéressante, et si je veux jouer un jour les classements généraux, il faudra que je progresse en chrono.
En juillet dernier, vous décrochiez également une deuxième place à Kapellen. Quelle saveur particulière vous a laissé ce podium ?
Ce n’était pas prévu que je participe à ce critérium mais j’avais envie de changer un peu et de me faire plaisir sur le vélo. Les critériums sont toujours exigeants. J’ai tenté une course offensive, en échappée. Terminer sur le podium m’a fait du bien. J’ai raté le sprint final mais c’était une bonne leçon. Cela m’a confortée dans l’idée qu’une échappée peut parfois aller au bout. Il faut continuer à essayer et un jour cela paiera, je l’espère, sur une course plus prestigieuse.
Avec ces podiums et une présence constante sur les grandes courses WorldTour, comment analysez-vous vos prestations ?
Je pense avoir été assez régulière toute la saison. J’ai rempli mon rôle pour l’équipe et montré que l’on pouvait compter sur moi sur différents terrains. Même sans grande victoire, cette constance est un signe positif. J’ai beaucoup appris des saisons passées et j’ai pu mettre cette expérience à profit. Au Giro, par exemple, j’ai constaté que les longues courses me convenaient de mieux en mieux, que je récupérais plus vite. Cela me donne confiance pour la suite.
Vous avez pris le départ de Paris-Roubaix. Comment avez-vous vécu cette expérience unique ?
Paris-Roubaix est l’une de mes courses préférées. L’atmosphère y est incomparable. On y sent tout le poids de l’histoire de cette organisation mythique. Cette année, l’équipe avait une stratégie claire. J’ai travaillé pour placer mes coéquipières dans le premier groupe et nous avons terminé avec une deuxième et cinquième place. C’était incroyable de voir nos efforts collectifs récompensés. Ce sont ces journées qui donnent tout son sens à notre sport.
Le Giro Donne figure également comme une course à part. Quel regard portez-vous sur votre performance cette année en Italie ?
C’était pour moi une découverte. Je n’avais pas d’objectif de résultat précis mais l’envie de voir ce dont j’étais capable sur trois semaines. Notre équipe était jeune, sans véritable leader pour le général, donc nous avons surtout cherché à apprendre et à nous tester. Personnellement, j’ai pu mesurer mes limites et comprendre dans quels domaines je dois encore progresser.
On vous y a vue attaquer en montagne. Était-ce une stratégie prévue ou une expression spontanée de votre tempérament offensif ?
Je suis une coureuse offensive oui. J’aime animer la course, provoquer des mouvements, plutôt que d’attendre les attaques des favorites. Bien sûr, toutes les échappées ne vont pas au bout, mais il faut tenter. C’est aussi l’esprit de notre équipe à savoir courir de manière agressive et ne pas subir. Un jour, j’espère gagner une grande course de cette manière !
Vous êtes une témoin directe de la montée en puissance du cyclisme féminin. Comment percevez-vous cette évolution ?
C’est impressionnant de voir à quel point le cyclisme féminin s’est professionnalisé en seulement trois ans. Le niveau augmente, les courses deviennent plus dures et plus spectaculaires. Cela attire plus de visibilité, ce qui nous permet de nous consacrer pleinement à notre sport. Aujourd’hui, je peux vivre uniquement du vélo, ce qui n’était pas encore le cas pour beaucoup de coureuses il y a peu. C’est une évolution très positive.
Après cette saison régulière accomplie, quels seront vos grands objectifs en 2026 ?
Mon rêve reste de décrocher un grand résultat sur une classique WorldTour comme le Tour des Flandres, Gand-Wevelgem ou encore Paris-Roubaix. Bien sûr, j’aimerais aussi remporter le titre national car porter le maillot tricolore serait une fierté. Mais un résultat sur une course internationale aurait une portée encore plus grande à mon sens.
Si vous pouviez adresser un message à la Nina Berton de 2018, que lui diriez-vous ?
Je lui dirais de continuer à croire en elle, de ne pas se laisser influencer par les doutes des autres et de rester fidèle à ce qu’elle aime. Même si beaucoup n’imaginaient pas que je puisse devenir cycliste professionnelle, la clé a été de suivre son cœur, de travailler dur et de garder du plaisir dans ce que j’ai fait. Le reste vient toujours avec le temps et la persévérance.
Jocelin Maire
Mental Médias SARL
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