
De sa Somme natale au Grand-Duché en passant par la Suède, l’attaquante du FC Mamer 32 a déjà vu du pays ! Interview exclusive de Chloé Létocart, passionnée capable d’évoluer à tous les postes tant qu’elle touche le ballon.
Née à Amiens en 2004, Chloé Létocart a déjà connu trois nations de football. La droitière a évolué en Régionale 1 française avant de faire ses valises à 18 ans seulement pour la D3 suédoise puis de rejoindre notre Ligue 1 dames en janvier 2024. Entretien avec une jeune globe-trotteuse au caractère déjà bien trempé.

Tu es tombé dans le football à l’âge de 5 ans ! Comment t’es-tu découvert cette passion ?
Chloé LÉTOCART : J’ai toujours été passionnée par le sport, mais j’ai découvert le foot un peu par hasard ! Mon père m’a raconté qu’un jour, je lui ai demandé de m’inscrire sans vraiment savoir pourquoi. À ce moment-là, je faisais déjà un peu de tout : gym, danse, et surtout tennis… donc rien à voir ! Mais finalement, c’était la bonne pioche. J’ai tout de suite accroché, je me suis sentie à ma place. Vers 10 ans, j’ai dû arrêter le tennis parce que les horaires ne collaient plus, mais je crois que j’avais trouvé ce qui me manquait : ce côté collectif, les liens qu’on crée entre coéquipières, c’est ça pour moi le foot. La confiance, la coopération, le fait d’avancer ensemble, faire des rencontres avec des personnes qui te ressemblent. Mon cercle d’amis s’est formé à 90% de personnes que j’ai rencontrées au foot. Ce sont des valeurs qui me ressemblent beaucoup, que je ne retrouvais peut-être pas dans un sport individuel. J’aime ce sentiment d’équipe, les tapes dans la main après une belle action, cette énergie commune !

Et tu t’y es si bien épanouie que tu as été repérée par Amiens Porto ?
À cette époque, le club d’Amiens Porto était assez réputé pour sa section féminine. Un jour, sur un tournoi dans mon club formateur à Albert Sports, leur coach Hacene Kichou m’a repérée. Je tiens d’ailleurs à le remercier pour toutes ces années à me supporter et à me pousser vers le haut ! C’est un grand homme qui m’a fait en partie devenir la joueuse mais surtout la personne que je suis aujourd’hui, accompagné de son acolyte Karim Arzalai. Il m’a proposé de rejoindre son équipe féminine pour la saison suivante. J’ai accepté, évidemment, parce que c’était une belle opportunité de jouer à un niveau plus élevé, et aussi parce que c’était la première fois que j’allais jouer avec des filles. À Albert, jusqu’à mes 13 ans, je jouais uniquement avec des garçons, donc c’était une vraie nouvelle étape pour moi.
C’était un avantage cette mixité, notamment du point de vue de la progression athlétique ?
Quand on est jeune il n’y a pas encore cette grosse différence physique entre garçons et filles, donc jouer avec eux, c’était le bon compromis. Par la suite, j’ai basculé au bon moment avec les filles, avant d’être en infériorité quand le physique des garçons commence à évoluer plus que nous. Pour moi, commencer avec des garçons c’est vraiment ce qu’il y a de mieux : techniquement, ça m’a énormément aidée. Dans la vie de tous les jours, j’apprends vite et je suis très à l’écoute donc dès que je voyais quelque chose ou que ma coach me disait quoi faire, je l’imprimais, je l’exécutais puis je le répétais et au fur et à mesure et ça rentrait. C’est en partie grâce à ça que je suis aussi à l’aise techniquement aujourd’hui, ça commence dès le plus jeune âge !
Puis il y a eu ton passage étonnant au Stallarholmens SK, à l’ouest de Stockholm !
Le club recherchait des joueuses et grâce à des contacts en commun, le coach m’a appelé. On s’est rencontré à Paris avec le président et le dirigeant, et ils ont apprécié mon profil autant foot que perso. Puis tout est allé très vite ! Le projet me plaisait autant que de changer de pays et découvrir une nouvelle culture, de nouveaux horizons…
Ce n’est pas effrayant de partir si jeune à l’étranger ?
Ça ne m’a pas fait peur du tout, au contraire c’est stimulant de pouvoir partir vivre dans un autre pays où tu ne connais personne, c’est comme ça que les meilleurs souvenirs se créent. L’acclimatation s’est faite naturellement parce que le coach est franco-marocain donc même s’il parlait surtout anglais sur le terrain ou dans ses discours, il prenait le temps au début de nous expliquer en français ce qu’on devait absolument appliquer. Il faut savoir que je n’étais pas la seule Française : ils en recrutait 5 ou 6 chaque saison pour apporter ce côté technique qui manque un peu aux joueuses suédoises. On était en coloc dans un grand appart et on a créé de vrais liens d’amitié toutes entre nous. On se voit encore dès qu’on peut malgré la distance.
Cet entraîneur a l’air de compter pour toi…
Oui ! Le coach Amine Bouatra est devenu en Suède mon deuxième papa. Il m’a épaulée et accueillie comme sa fille, j’étais vraiment un membre de la famille. J’ai gagné deux petits frères avec qui j’ai une connexion incroyable, je suis même partie en vacances avec eux ! Ça m’a fait un pincement au cœur de les quitter, mais je sais que je serai toujours la bienvenue. Je retourne les voir chaque année et ils auront toujours une place énorme dans mon cœur. Il m’a beaucoup fait grandir humainement : je ne serais pas la femme que je suis aujourd’hui sans lui.
Comment qualifierais-tu le football féminin suédois ?
C’est moins technique et plus physique, plus athlétique. En Suède, c’est un peu un foot que tu gagnes à l’épaule ! Du coup, je n’ai pas forcément trouvé ma place en attaque, ma vitesse n’étant pas ma qualité première… Là-bas, les femmes sont très sportives et passionnées de foot et la vision de la femme est vraiment différente, souvent au même niveau voire au-dessus de l’homme ! C’est aussi grâce à ça que nous n’étions pas mal vues en arrivant et qu’on s’est bien intégrées au pays.

Et puis à ton retour en France à l’automne 2023, tu te prédestinais à nouvelle aventure inconnue : les USA ! Pourquoi cela ne s’est pas fait ?
Je n’avais pas pour projet de rester en France car cette expérience en Suède avait clairement changé ma vision de la vie. J’avais pour objectif de repartir l’étranger et je voulais me diriger vers le rêve américain, les États-Unis. J’ai réussi à contacter une agence en collaboration avec la FLF qui envoie les athlètes aux USA : j’ai eu des entretiens avec des universités dont l’une a retenu mon profil ! Il ne restait plus qu’à faire les papiers mais il y a eu des soucis dans les dates : je voulais absolument partir au mercato d’hiver car je ne me voyais pas faire 9 mois en France à ne pas m’y plaire. Mais obtenir un visa et être en règle prend beaucoup de temps donc finalement le départ ne s’est pas fait. Je garde quand même cette aventure dans un coin de ma tête bien sûr, même si aujourd’hui je suis arrivé à un nouveau stade dans ma vie.
Grâce à autre destination à l’étranger : le Grand-Duché ! Quel a été le chemin ?
En dernière minute ! À la mi-décembre, tout s’est enchaîné ! Mon agent s’est mobilisé pour me trouver un bon projet malgré le temps imparti, et début janvier Loïc Hoffmann l’a contacté car il était à la recherche de joueuses. À ce moment-là, il recherchait des défenseurs et étant donné que je sortais d’une saison en défense centrale, il a apprécié mon profil et m’a proposé un contrat au SC Bettembourg où j’arrive le 30 janvier 2024. Au début, tout se passait bien, mais après quelques mois j’ai fait le reste de la mi-saison en équipe réserve. J’en ai discuté avec mon agent qui s’est arrangé pour rompre le contrat dès l’été et grâce à des contacts que je me suis fait en arrivant au Luxembourg, j’ai réussi à rejoindre Niederkorn. Le Progrès a été un bon tremplin pour me relancer et reprendre confiance en mes performances. Cette année en Ligue 2 ne m’a pas déplu : au contraire, j’étais décisive à chaque rencontre [ndlr : 17 buts et 11 passes décisives en 18 matchs]. Cette saison m’a vraiment permis de me relancer avant de chercher un nouveau projet plus compétitif que la D2. Je suis tombée sur le poste Insta du FC Mamer 32 qui recherchait des recrues pour son équipe dames ! Après deux essais, tout se passe pour le mieux : j’ai signé, j’ai fait toute la prépa individuelle pour vraiment être top à mon arrivée pour la pré-saison. J’ai tout donné.
Donc un club et un championnat où tu pourrais rester quelques temps ?
Les coachs sont contents, ils trouvent que j’ai des bonnes qualités même si au niveau physique je devais bosser et rattraper mon retard. À Niederkorn on faisait moins de physique donc je devais retrouver une condition optimale que j’avais pas mal perdue depuis la Suède. Personnellement, je suis très bien à Mamer. Les coachs sont beaucoup derrière nous c’est ce dont on a besoin car le groupe est jeune mais a soif d’apprendre. Il y a vraiment une très bonne cohésion d’équipe. Avec le staff, on est aussi bien accompagnées. Du point de vue personnel, j’ai repris mes études en septembre dernier en France : je compte donc finir au moins mon cursus et rester en parallèle au Luxembourg pour le foot. On verra ce que la vie me réserve car je ne sais pas encore les portes qui s’ouvriront à moi ! Avant de partir en Suède, jamais je n’aurais imaginé que cette opportunité allait se présenter… Donc je vis au jour le jour maintenant.
Au jour le jour où tu enchaînes les titularisations : tu es presque devenue une joueuse cadre à Mamer ?
Je pense qu’il nous manque des cadres dans le groupe. Avec la blessure de Betty [ndlr : Betty Noël, capitaine victime d’une fracture au pied lors du match Bettembourg-Mamer le 4 octobre] et de 2/3 autres joueuses cadres, les derniers matchs ont été compliqués. Alors on se bat en essayant de combler ce manque. Et j’ai pris cette position de cadre sans vraiment l’être : n’oublions pas que je viens seulement d’arriver et que je n’ai que 21 ans ! Mais c’est vrai que j’ai réussi à m’imposer dans cet effectif très jeune car je fais partie des plus expérimentées sur le terrain. Donc j’essaie de prendre le lead et même si ce n’est pas quelque chose dont j’ai l’habitude, je commence à y prendre goût ! Nos résultats ne reflètent pas du tout la qualité qu’on a dans l’équipe. Nos entraînements sont de très haut niveau : on y est capable de rivaliser avec les meilleures équipes. Mais en match, on ne reproduit pas du tout ce qu’on montre à l’entraînement, et c’est dérangeant car on nous voit comme une équipe de bas de tableau. La marge de progression est énorme et j’ai hâte qu’on montre vraiment ce dont on est capable. Pour ça, j’ai confiance en chacune des filles pour qu’on arrête de dire que Mamer est une équipe facile à battre, car en réalité ce n’est pas le cas !
Tu as évolué à plusieurs postes depuis le début de ta carrière : milieu offensif, à l’arrière, sur la pointe de l’attaque… Lequel te permet d’évoluer le plus à ton aise ?
En Suède, le coach m’a testée latérale gauche en amical et il a aimé, donc j’ai fait une saison à ce poste. Ça m’a réussi : j’ai marqué 8 buts et 10 passes décisives en 16 matchs, puis la suivante en défense centrale car il avait besoin de mon aisance technique pour effectuer de bonnes relances de l’arrière. À Bettembourg, je n’ai pas trouvé ma place en défense. Je pense que pour le football d’ici, j’ai davantage ma place à l’avant. Aujourd’hui je fais partie de l’équipe de Mamer comme une attaquante qui peut jouer également au milieu mais aussi en défense centrale, comme on a pu constater contre Ell ce week-end ! Ce n’est pas commun mais ça me plaît d’être cette joueuse polyvalente capable de performer sur le terrain peu importe la position. Et ça permet aux coachs d’avoir plus de choix : cette polyvalence, ils ne la trouvent pas chez beaucoup de joueuses, surtout à ce niveau d’exigence. De toute façon, moi-même je n’ai pas la moindre idée de mon poste de prédilection et si on demandait à tous mes anciens coachs, aucun n’aurait la même réponse (rires)!
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