« RTL se croit au dessus de tout »

10 minutes
RTL
La réunion de mardi avec RTL devrait être la dernière chance de trouver un accord

Alors que RTL et les clubs de BGL Ligue ont prévu de se rencontrer ce mardi pour discuter, une dernière fois, d’un nouvel accord de partenariat pour la diffusion du championnat, le ton monte franchement du côté des présidents des écuries de l’élite, qui semblent parfaitement clairs : en cas d’absence de progression des négociations, l’accord prendra fin, et ce dès la prochaine saison.

« RTL se croit intouchable, au-dessus du tout ». Une phrase, une seule, qui en dit long sur l’état d’agacement du côté des présidents des clubs de BGL Ligue. De longs mois durant, ils étaient pourtant bien peu à vouloir répondre aux questions sur le sujet. Par espoir de négociations réussies, peut-être, ou tout simplement pour maintenir un niveau d’entente cordiale malgré de sérieux désaccords. Pourtant, cette fois-ci, contactés, et quand bien même sous couvert d’anonymat, ils ont été nombreux à décrocher leur téléphone pour s’exprimer sur un sujet de plus en plus brûlant. Et force est de constater que cette-fois ci, la colère n’est plus cachée.

Les raisons de cette frustration, pour ne pas utiliser de termes plus forts, sont multiples. Première raison du courroux : la qualité, évidemment, d’un streaming, souvent critiqué, parfois raillé, et qui, en bien des points, fait grise mine en comparaison à ce qui se fait ailleurs. « Tout le monde voit la qualité des retransmissions » assène le président d’un club de l’élite, avant de détailler son propos. « Parfois, certaines rencontres ne sont pas diffusées sans que personne ne sache pourquoi. Dans d’autres matchs, je ne sais pas si les caméras ne sont pas nettoyées, mais le soleil fait qu’on ne voit absolument rien… Ce n’est pas possible »

Deux revendications claires et nettes

Il est vrai que la situation a pu se produire à plusieurs reprises. Outre certains bugs techniques, qui ont parfois empêché d’assister à un but ou focalisé l’angle de la caméra sur un champ hors du ballon, la météo a en effet par moments fait vivre un vrai calvaire au streaming de RTL. Une journée ensoleillée pouvait ainsi vite se transformer en une impossibilité totale de profiter du match dans des conditions ne serait-ce qu’acceptables. Il y a aussi ce fameux souci de décalage, auquel on peut assister, en direct. Karine Reuter, contactée, et qui a accepté de parler en son rang de présidente de la LFL, confirme : « Il peut y avoir des retards de plusieurs minutes, et le score, lui, est en direct. Vous savez déjà ce qui va arriver. On ne peut pas continuer comme ça ». Alors que le score est nul et vierge, l’affichage montre en effet un but pour une des deux équipes. Par conséquent, le spectateur perd la magie du direct, déjà conscient qu’une ou l’autre des écuries s’apprêtent à ouvrir le score. Déjà plusieurs couacs qui ont créé, au fil de l’année, un sentiment de plus en plus palpable de frustration pour acteurs comme observateurs du ballon rond au Luxembourg. Et l’évolution technologique toujours plus rapide offre un rendu qui, déjà aujourd’hui, semble bien en retard avec ce qui se fait ailleurs. « Quand ils ont installé les caméras, elles étaient déjà vieilles de trois ans. Aujourd’hui, à la vitesse à laquelle la technologie va, il ne faut pas avoir peur des mots : celles-ci sont déjà obsolètes » continue un dirigeant d’un club de BGL Ligue.

« Il y a plusieurs choses qui étaient prévues dans le contrat qui n’ont pas été tenues, où très tardivement. Quand on fait un contrat, on doit le respecter »

Mais la qualité n’est pas la seule des raisons de l’insatisfaction des membres de l’élite. Sur un plan plus légal, la colère provient aussi de points dans les accords qui n’auraient pas été respectés par le diffuseur. « Il y a plusieurs choses qui étaient prévues dans le contrat qui n’ont pas été tenues, où très tardivement. Quand on fait un contrat, on doit le respecter ». Si nous n’avons pas pu avoir accès aux contrats, nous pouvons affirmer de source certaine que la visibilité des sponsors des clubs n’est pas au niveau attendu par les écuries du championnat. Aussi, nous avons pu nous fournir les chiffres communiqués par RTL sur le nombre de visionnage du championnat en 2021/2022. Avec plus d’un million de clics, la réussite est indéniable. Mais ce succès est aussi, sans surprise, une des raisons de la rogne des clubs de BGL Ligue. « Il y a plus d’un million de clics, et RTL monétise cela avec énormément de sponsors. Qu’est-ce qu’ils nous disent ? Que ça ne rapporte pas fondamentalement d’argent. Non mais sérieusement, comment peut-on oser nous dire ça ? » s’offusque un dirigeant.

Ce qui nous amène évidemment à l’aspect financier, autre grande raison de la grogne. Après trois ans, les faits demeurent les mêmes : les clubs, encore aujourd’hui, ne perçoivent strictement rien de la part de leur diffuseur. Un accord qui crée encore plus de remous, donc, au vu des chiffres d’audience. « On parle d’un nombre impressionnant de clics et views » confirme un autre président, lui aussi sous couvert d’anonymat. « Il faut rappeler que ces chiffres prouvent que beaucoup de gens ne viennent plus au stade, ce qui implique moins de recettes pour les clubs. Et que reçoit-on en contrepartie ? Absolument rien. Zéro. Le seul vrai gagnant dans cette histoire, c’est RTL. » Une position partagée par un autre dirigeant, qui rappelle que les difficultés financières, plus que jamais, rendent essentielle une compensation de la part du diffuseur. « On est le seul pays où les clubs ne reçoivent rien du tout. 2023 a été une année compliquée au niveau du sponsoring, avec une réelle crise de l’immobilier, donc on est dépendant des revenus. Et quand la cession de nos droits n’apporte rien… On a besoin d’un geste pour nous montrer qu’on est dans le même bateau. »

On a chaque week-end des bénévoles qui se crèvent à la tâche pour que tout fonctionne. Et derrière, RTL nous dit que ça n’est pas rentable… Mais pourquoi tu le fais alors ?

Au bord de l’implosion

Face à cette situation, les clubs, depuis plusieurs mois, montent au front pour défendre leur droits, espérant une amélioration conséquente sur le plan du partenariat, tant sur le plan qualitatif que financier. Las, jusqu’ici, le groupe n’a pas cédé le moindre pouce. Questionné quant à leurs demandes sur le plan financier, Karine Reuter affirme ne pas avoir d’idées fixes : « On est ouvert à toute proposition » avant de dénoncer l’immobilisme de RTL. « Mais si on commence les négociations en disant « c’est hors de question », on ne va pas aller très loin… ». Un autre président, sur la même longueur d’onde, montre son pessimisme quant à la réunion à venir : « « Je pense qu’ils sont tellement sûrs d’eux-mêmes, tellement certains que nous n’avons pas d’alternatives, qu’ils ne vont rien nous proposer. »

C’est aussi, au-delà des désaccords, une des raisons de la colère qui monte du côté des acteurs de l’élite. L’attitude jugée arrogante de la part de RTL, au même titre que certaines explications jugées loin d’être cohérentes. « Quand on regarde un match, on peut voir des dizaines et des dizaines d’annonceurs. Eux nous disent qu’il n’y en a que quatre. Ce n’est pas se moquer de nous, ça ? » Un sentiment de colère partagé par un autre président, qui estime que RTL, par son discours, n’est pas crédible pour un sou. « Tout le monde sait que le ministère a subventionné les caméras dans l’optique de mettre en valeur le sport national. D’accord, mais il ne faut pas oublier les clubs. On a chaque week-end des bénévoles qui se crèvent à la tâche pour que tout fonctionne. Et derrière, RTL nous dit que ça n’est pas rentable… Mais pourquoi tu le fais alors ? »

Derrière cette colère, pourtant, demeure un réel désir de continuer avec un partenaire que l’on peut qualifier d’historique. Karine Reuter le confirme d’ailleurs sans demi-mot : « Bien évidemment qu’on préfère rester avec RTL. C’est une chaine de télévision, ils ont un grand public. Maintenant, ce n’est pas à tout prix qu’on fera ça. S’il n’y a pas d’efforts de leur côté sur nos deux revendications, alors nous n’aurons pas le choix d’aller ailleurs ». Même son de cloche du côté d’un autre président, qui confirme le désir profond de continuer avec un partenaire connu de tous, mais pas à tout prix. : « Tout le monde sait que notre priorité serait RTL. Mais pas sous ces conditions. Si on ne fait pas un pas vers nous, alors je peux vous assurer que cela ne passera pas. La position est maintenant claire et nette ».

« Si rien ne change dans la réunion de mardi, alors oui, ça sera la dernière réunion »

Karine Reuter

Une envie qui parait aujourd’hui en difficulté au vu de négociations qui, jusqu’à présent, n’ont pas avancé d’un iota. Une fois n’est pas coutume, c’est bien l’intégralité des clubs de l’élite qui partage la même opinion. « On a eu une réunion lors de laquelle nous avons soumis au vote la question du streaming. Il y a eu un suffrage unanime sur le fait que s’il n’y a pas de changement du côté de RTL, on arrête. » confirme Karine Reuter.

Un nouveau prestataire plus que crédible 

Un arrêt, soit. Mais quel rebond pour le football luxembourgeois ? Selon toutes les personnes que nous avons sondées, une alternative a déjà été trouvée, et parait satisfaire tout le monde. Si un premier prestataire, proposant une diffusion hors-pair, a du être écartée faute d’un coût trop élevé, un second, lui, cocherait toutes les cases. « On a un prestataire qui est extrêmement intéressé et qui, je pense peut tout mettre en place pour le 6 aout » affirme un dirigeant. Une possibilité là aussi confirmée par la présidente de la LFL :  « Nous avons en effet une offre tout a fait réaliste, et le fournisseur nous a garanti qu’il pourrait être opérationnel dès le premier match, donc « why not ? » Une alternative qui, selon un dirigeant, n’est pas jugée très sérieuse par le diffuseur de ces trois dernières années. « RTL pense que c’est du bluff. Donc nous allons y aller, encore une fois. On va essayer de dialoguer, et de notre côté, nous n’aurons rien à nous reprocher. Pour vous dire la vérité, nous sommes prêts à payer un autre diffuseur, pour bien faire comprendre à RTL qu’on peut faire sans eux ».

Et la fédération, dans tout cela ? Ce n’est pas un secret qu’il y a trois ans, au moment de choisir son prestataire, la FLF avait fait comprendre que RTL était la voie à suivre selon elle. Aujourd’hui, avec l’insatisfaction claire des dirigeants de BGL, l’institution va-t-elle encore essayer d’influer les négociations ? « On a intérêt à avoir un alignement entre les clubs et la fédération. » affirme un président. « Je sais qu’une des, si ce n’est la stratégie de RTL était de nous forcer la main à travers la fédération. Mais celle-ci ne sera pas assez stupide pour faire cela ».

La réunion qui doit se tenir demain, sera donc, sauf surprise, la dernière opportunité pour RTL de faire un geste envers des clubs qui, à l’unanimité, refusent de continuer d’offrir leurs images sans compensation financière ni qualité digne de notre époque. Une position que la présidente de la LFL, Karine Reuter, confirme, sans la moindre ambiguïté. « Si rien ne change dans la réunion de mardi, alors oui, ça sera la dernière réunion ». RTL est prévenu.

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