El Alaoui : l’heure de briller  

10 minutes
© Steve Birtz

Visage bien connu des amateurs de football luxembourgeois pour avoir longtemps été le fidèle adjoint de Carlos Fangueiro lors de ses différentes aventures au Grand-Duché, Mehdi El Alaoui endosse enfin le rôle de T1 dans un club de BGL Ligue. Le FC Rodange 91 est l’occasion de franchir une étape de plus pour celui qui n’a cessé de gravir les échelons.

Pourquoi ce choix d’avoir voulu passer T1 après tant d’années en tant qu’assistant ?
J’ai été assistant depuis que je suis arrivé au Luxembourg, mais j’ai commencé le coaching en tant que T1 en Belgique, c’est donc ce à quoi j’aspirais dès le début. J’ai passé les échelons très vite depuis que j’ai passé mes diplômes d’entraineur en Belgique. Arrivé en BGL Ligue, je me suis retrouvé avec Carlos. J’avais toujours cette ambition de monter le plus vite et le plus haut possible, mais en étant à ses côtés, je me suis rendu compte que j’avais encore des choses à apprendre. Je prenais plaisir à être avec lui, car j’avais à la fois beaucoup de libertés, mais également beaucoup de responsabilités en tant qu’adjoint. Carlos me faisait confiance et était à l’écoute, il me donnait beaucoup de crédit et je devenais meilleur d’année en année à son contact, donc il n’y avait pas de raison de changer à ce moment-là. 

Vous avez désormais une expérience des deux rôles, quelle est la différence principale selon vous ? 
Pour le rôle de T2 que j’ai connu, qui était particulier avec Carlos puisque j’avais beaucoup de responsabilités, où je pouvais le contredire, lui donner mon avis, la différence est que c’est moi qui prend la décision finale en tant que T1. J’essaie d’être aussi à l’écoute de mes adjoints, car le mode de fonctionnement que j’avais à l’époque me plaisait et j’essaie donc de le reproduire de mon côté. Il y a aussi une différence de pression, car quand ça ne va pas, c’est nous qui sommes en première ligne. Personnellement, ça ne m’effraie pas du tout, mais c’est forcément une pression différente que quand tu es adjoint. 

« C’est important de travailler avec des personnes sur lesquelles tu peux compter, qui ne te mettront pas un couteau dans le dos à la moindre occasion »

Comment s’est fait le choix de votre staff pour accepter le challenge rodangeois ? 
Je me suis naturellement tourné vers l’ancien staff avec lequel j’ai passé plusieurs saisons et avec qui nous avons vécu énormément de belles histoires, mais où nous avons également affronté les côtés vicieux du football également, ce qui soude forcément. Sergio Silva Costa, entraineur des gardiens, faisait partie de ceux-là. Il était au Fola mais faisait partie du staff démissionnaire qui a suivi le départ de Stefano Bensi, et il n’a pas hésité longtemps au moment où je l’ai sollicité pour faire partie de mon staff. Randy Nzita est quelqu’un que j’avais déjà eu en tant que joueur lorsque j’entrainais en Belgique, qui est devenu un ami et un mec de confiance. C’est vraiment important de travailler avec des personnes sur lesquelles tu peux compter, et dont tu es sûr qu’elles ne te mettront pas un couteau dans le dos à la moindre occasion. Il y a également Mirza Ahmatovic dont on m’a dit du bien, et j’ai donc décidé de lui laisser sa chance, et je ne regrette pas du tout. 

Quelle est la durée de ce contrat signé ? 
Le contrat court jusqu’à la fin de saison, comme c’est souvent le cas lorsque l’on engage un staff en cours d’exercice pour une mission maintien, ce que je comprends totalement. Il y a une option des deux côtés, on verra comme cela se passe. 

Son nom revient souvent, mais vos destins sont assez liés : pour quelles raisons n’avez-vous pas suivi Carlos la saison passée lors de sa signature à Léixoes ?
J’ai une famille qui me soutient beaucoup, et je n’ai rien contre une expérience à l’étranger et basculer dans le monde professionnel. Mais je ne peux pas le faire à n’importe quel prix, car j’ai justement une vie de famille, ainsi qu’un boulot où mes patrons sont très flexibles. Et l’opportunité Léixoes ne tombait pas dans les critères requis. Il y a une grosse différence financière entre la première et la deuxième division portugaise, et même si on s’était dit qu’on se suivrait dans la mesure du possible avec Carlos, on était tous les deux d’accord sur le fait que la proposition que j’avais en tant qu’adjoint ne me permettait pas de tout lâcher pour partir au Portugal. 

© Albert Krier

Malgré cet acte manqué, le monde pro est toujours dans un coin de votre tête ? 
Évidemment oui, car ça me booste au quotidien. Mais il faut qu’il y ait un contexte qui s’y prête comme évoqué précédemment. Ça serait top car devoir switcher au quotidien entre le travail et le football nous amène à faire des sacrifices sur notre vie personnelle, et le fait de se dire qu’il y a une perspective chez les pros au bout aide à consentir tous ces sacrifices. 

« Les joueurs seraient tous allés à la guerre pour Carlos »

Dernière question sur le volet Fangueiro : que gardez-vous de ces années passées à ses côtés ? 
Je pourrais parler de concepts tactiques et autres systèmes de jeu qu’il m’a fait découvrir, ou encore la manière d’aborder certaines phases de jeu comme l’attitude à la perte, la grinta ou l’esprit guerrier, mais le truc que je vais retenir est sa gestion du vestiaire, puisqu’il arrive à pousser les gens à se donner à fond pour lui. Les joueurs seraient tous allés à la guerre pour lui. Il laisse cette trace auprès des gens qu’il a côtoyés et des anciens joueurs qui sont parfois nostalgiques de cette époque, et ça c’est quelque chose d’extraordinaire.

Pour en venir à Rodange et à votre début d’aventure, les deux premières rencontres semblaient avoir des scénarios favorables pour votre équipe mais se sont soldées par deux défaites, comment expliquez-vous cela ? 
Pour la première rencontre, je n’ai pas eu l’occasion d’énormément travailler avec eux, du fait de nombreux jours de repos octroyés par l’ancien staff, et je ne pouvais pas arriver et tout chambouler. J’ai donc eu une bonne semaine de travail pour apprendre à connaitre l’effectif dans un premier temps. J’ai essayé de leur faire assimiler un ou deux principes de jeu que l’on a très bien vu en première période à la Jeunesse. Et à partir du moment où on encaisse ce but incroyable du 1-2, on a eu peur et la rencontre a basculé, avec un manque d’organisation. Et pour le second match, on a aussi montré de belles choses en première période, et on a 3-4 occasions franches qu’on ne concrétise pas en seconde période, ce qui fait que ça ne penche pas de notre côté. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a peut-être certains éléments qui sont encore en mode PH, et qu’on ne peut se permettre ce genre de relâchement sinon nous serons sanctionnés. Je pense que le problème est plutôt mental, et c’est ce sur quoi on va essayer de travailler dans les prochaines semaines, sans oublier de bosser un peu physiquement durant l’hiver également. 

« Je laisse des libertés aux joueurs dans le dernier tiers, mais si tu perds la balle, il faut revenir comme un chien enragé »

Ça donne quoi, d’un point de vue tactique, l’équipe du coach Mehdi El Alaoui ?
J’ai évidemment regardé les matchs de Rodange avant d’arriver. Quand tu es promu, il faut évidemment être humble quand tu arrives en BGL Ligue car tu vas la plupart du temps jouer le maintien. Partant de là, je ne peux pas avoir la prétention de me dire qu’on va toujours aller chercher haut comme on le faisait à Dudelange, mais il y a des fois où l’occasion s’y prête, comme lors du match face à Mondercange avant que j’arrive (victoire 3-2) où je trouvais que l’équipe jouait trop bas par séquences. J’ai envie d’imposer un jeu un peu plus conquérant. Je ne sais pas trop où en est le niveau physique de l’équipe pour le moment car je ne me suis pas occupé de la prépa, donc je ne peux pas forcément demander de presser pendant 90 minutes par exemple. L’objectif est donc de faire sentir aux joueurs les moments où nous pouvons aller chercher plus haut, et les moments où on doit récupérer en étant plus bas sur le terrain. Et je suis très impliqué sur le comportement à la perte de balle, école Fangueiro oblige. Je laisse des libertés aux joueurs dans le dernier tiers, mais si tu perds la balle, il faut revenir comme un chien enragé. Je pense que la bonne attitude à la perte peut aussi insuffler au groupe un esprit un peu plus guerrier. 

Quels sont les points forts de l’équipe que vous avez récupérée en l’état, et les choses qui doivent être améliorées afin d’atteindre l’objectif maintien ? 
Je ne peux pas tout dévoiler car l’article va être lu par nos adversaires (rires), mais je dirais qu’il y a quelques individualités qui valent vraiment le coup et que nous allons essayer de mettre au service du collectif. Mon prédécesseur avait déjà mis certaines choses en place, notamment un bloc défensif avec des lignes assez resserrées, sur lesquelles je me suis appuyé, donc il y avait déjà des bases de travail intéressantes sur certains points.

En parlant de votre prédécesseur, on sait que Frédéric Herinckx n’était pas parti que pour des raisons exclusivement sportives, comment se sont passées les négociations avec les dirigeants rodangeois ?
Les négociations se sont faites très rapidement et j’ai rencontré le président, son conseiller et le directeur sportif avec Sergio Silva. J’ai vu dans la presse ce qui s’est dit avec le départ de mon prédécesseur. Je n’ai rien demandé, mais on m’a quand même expliqué qu’il y avait eu sa version dans la presse mais pas celle du club. Il y avait une situation sportive qui semblait étrange pour la direction, qui a simplement demandé des comptes au coach sans intervenir dans les choix, et l’entraineur l’a assez mal pris de ce que j’ai pu entendre. De mon côté, cela se passe bien et on n’est jamais venu interférer dans mes choix. C’est uniquement de l’aide que je reçois. 

Est-ce que ce poste de T1 à Rodange marque le fait que vous souhaitez diriger une équipe dont vous faites partie, ou bien serait-il possible de vous revoir en tant qu’assistant, potentiellement de Carlos, dans le futur ? 
Tout ce que je peux vous dire c’est que j’ai toujours été dans une constante progression depuis le début de ma carrière, même quand j’étais adjoint de Carlos où j’ai énormément appris. Concernant le rôle d’assistant de Carlos, il avait très vite été contacté par Léixoes après notre départ du Swift. Léixoes est sa ville natale, qu’il connait par coeur donc c’était logique qu’il y aille, et ce n’était pas possible pour moi. Je ne me suis pas trop posé de questions sur le « après », j’ai juste profité de ces quelques mois où j’ai pu me reposer et faire la connaissance de mes filles (rires). Me retrouver T2 d’un autre coach après avoir été celui de Carlos peut être compliqué, même si ce n’est pas impossible. Être de nouveau adjoint de Carlos dans le futur, je ne ferme évidemment pas la porte. Je suis un gros bosseur et je continue de viser très haut et m’imposer une éthique de travail digne de ce nom. Je ne peux pas me permettre de me relâcher car ce sont des petits détails qui risquent de m’échapper et, comme disait Carlos : « ce sont les petits détails qui font la différence. » 

Boris Saint-Jalmes

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