Gino Bartali, pas Juste un champion

En cette Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, Mental! revient sur le destin extraordinaire de Gino Bartali, le champion cycliste italien qui durant la Seconde guerre mondiale contribua a sauver la vie de 800 Juifs.

Tout le monde connaît Gino Bartali le cycliste, considéré comme un des meilleurs coureurs toutes époques confondues. Grandiose grimpeur, parfois même sprinteur quand le besoin s’en faisait ressentir, il remporta à trois reprises le Giro d’Italia (1936, 1937, 1946), et à deux occasions le Tour de France. Cela à dix ans d’intervalle (1938, 1948), une performance jamais reproduite jusqu’à aujourd’hui. Il fut vainqueur également de quatre Milan – San Remo (1939, 1940, 1947, 1950) et de trois Tour de Lombardie (1936, 1939, 1940). Ses succès et sa rivalité avec Fausto Coppi l’ont porté au firmament du cyclisme italien et international, et fait de lui un campionissimo.

Mais il n’y a pas que le cyclisme qui a fait la renommée de celui qui était également affublé du sobriquet de « Gino le Pieux ». Viscéralement attaché aux valeurs du catholicisme, Gino Bartali n’a jamais voulu faire partie de ses sportifs transalpins utilisés par le régime mussolinien afin d’en faire la promotion. Au contraire, il a risqué sa vie en combattant les horreurs que celui-ci a engendré en collaborant avec les Nazis, et notamment la persécution des Juifs.

Transmetteur de faux papiers

A l’époque on estime que 50 000 Juifs vivent alors en Italie, 8000 en seront déportés vers les camps d’extermination d’Europe de l’Est, et ne reverront jamais le Bel paese. Exempté d’obligations militaires de par son statut, et cela malgré son opposition au fascisme, Gino Bartali rejoint la Résistance italienne en 1943, alors que Mussolini a du fuir le pouvoir. Pourtant le danger demeure, les Nazis raflent dans le nord de l’Italie et veulent freiner l’inexorable remontée des Alliés depuis leur débarquement en Sicile, tout en poursuivant leur ignoble entreprise baptisée "Solution finale".

Le champion intègre une réseau catholique de résistants dirigés par le cardinal florentin Elia Dalla Costa, qui a célébré le mariage de l’idole italienne en 1940. Dans une vie marquée par les drames, comme la mort de son petit frère et de l’un de ses enfants morts-né, Gino Bartali accepte de risquer la sienne et celle de sa famille afin de servir cette noble cause. Bartali ne va plus pédaler pour remporter des courses, mais pour transmettre des faux papiers entre les différents couvents du nord de l’Italie, ou l’église catholique cache des Juifs, et cela en prétextant s’entraîner en attendant la reprise des compétitions.

Un héros discret

Entre Florence et Assise, Gino Bartali multiplie les sorties à vélo, avec les précieux documents d’identités cachés dans sa selle ou son guidon, le tout au nez et à la barbe de l’occupant allemand, qu’il a le loisir de croiser à de nombreuses reprises en parcourant parfois jusqu’à 400 kilomètres dans la même journée… Durant des mois le stratagème fonctionna à merveille, jusqu’à la libération de Florence en août 1944.

De ses actions ayant permis à 800 Juifs d’échapper à une mort certaine, Gino Bartali n’en fit jamais mention au cours de sa vie. Il s’éteint en 2000 à l’âge de 85 ans, pensant sans doute que sa disparition allait clôturer ce chapitre inconnu de sa vie de champion. Il n’en fut rien, car un opiniâtre journaliste italien, allait au cours de nombreuses recherches sur les réseaux de résistance de la Botte, faire éclater toute la vérité concernant le rôle précieux de la légende du cyclisme.

Le 23 septembre 2013, le Mémorial de la Shoah de Yad Vashem reconnu officiellement Gino Bartali comme « Juste parmi les nations ». Une distinction que seul deux sportifs de renom ont eu l’honneur de connaître.

 

Thibaut Goetz

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