Intérêts des joueurs, commissions et revendications : le métier d’agent consiste surtout à jongler savamment avec les différents partenaires. Dénicheurs de talent, réseauteurs accomplis, négociateurs nés : entretien avec deux agents responsables de plus d’une vingtaine de joueur au Grand-Duché.
Lorsqu’on demande aux principaux concernés les meilleures qualités nécessaires pour être agent de joueurs, ils sont unanimes : « des qualités humaines » avant tout. Pour Frédéric Maurice, de l’agence GCTM Foot Management, comptant notamment dans son portefeuille Pedro Resende, Pascal Carzaniga, Guillaume Trani ou encore Amine Zenadji : « II faut des capacités d’écoute et de communication avec les clubs et joueurs. Pouvoir aussi identifier les besoins de chacun, car n’importe qui ne peut s’adapter n’importe où ! » Des qualités exigées chez l’agent qui forment un contrat mutuel avec son joueur : « On attache une grande importance aux valeurs de respect, de confiance et d’honnêteté. Les joueurs doivent être exemplaires sur et en-dehors du terrain, et bien sûr avoir de bonnes qualités football. »
C’est sans doute la première case à cocher pour représenter au mieux son client : développer son réseau et la confiance des clubs et leurs dirigeants. Christian Gérard, fondateur de GCTM en 2016 et agent toujours en activité, est implanté depuis plus de 10 ans au Luxembourg. Selon son associé Frédéric, « heureusement que Christian était là ! Personnellement si j’avais dû commencer seul, ce serait presque impossible tant le milieu est fermé… » D’un autre côté, cette exiguïté est aussi une porte d’accès à un cercle vertueux : « Si l’on fait du bon travail en plaçant de bons joueurs, les clubs nous font confiance en retour et ainsi cela permet d’instaurer une relation durable et une bonne collaboration, comme par exemple avec Strassen [ndlr : Zenadji, Bopaka, Sacras…] ou Mamer [ndlr : Zili, Schmit, Baillet…]. »
Cela implique notamment une bonne connaissance du football en général, ses rouages, le fonctionnement du système et de ses codes mais aussi un véritable instinct dans la détection de talent et l’évaluation du potentiel des joueurs. Pour valider ces compétences, une licence d’agent certifié est obligatoire : elle s’obtient en passant avec succès l’examen d’agent de joueurs FIFA. Une session annuelle est organisée en ligne pour les candidats ayant déposé une demande complète et satisfait aux critères d’éligibilité (par exemple, l’absence d’intérêts dans un club, une académie ou une ligue). Alors seulement, on peut représenter un coach ou un joueur en signant un contrat écrit et lui chercher la meilleure carrière.
Christian Gérard nous dresse le déroulé d’une transaction typique : « Quand nous recevons un appel pour l’un de nos clients libre de tout contrat, avant d’entamer toute transaction, nous appelons le joueur. Il est essentiel de vérifier si le club peut répondre à ses attentes. Nous défendons le projet sportif en premier lieu. Si et seulement si le joueur y adhère, nous passons aux autres aspects : financiers, durée du contrat, avantages (travail, logement, voiture). Certains joueurs choisissent le travail en priorité, d’autres non. » Un exemple concret avec le Progrès. « Parfois, une négociation peut aller très vite, 1 ou 2 heures, mais ça peut aussi être très long ! En 2018, Niederkorn se montrait intéressé par Mayron de Almeida, qui jouait pour le FC Tours à l’époque. Nous savions que le club était européen, et surtout que Mayron ne serait pas bloqué pour repartir en pro. Dans ce cas précis, nous avons donc demandé l’appartement en priorité, une voiture, un bon fixe et des primes de matchs. Nous sommes partis sur 2 ans de contrat + 1 année en option : une véritable sécurité pour le joueur avec ce bail de 3 ans et un deal conclu rapidement. » Même si de Almeida ne lèvera pas son option en 2020 pour assurer une pige d’un an en France du côté du Red Star, l’aventure se poursuivra au Progrès jusqu’en 2023 avant de le voir rejoindre Virton, fort de 41 buts en 111 matchs de BGL Ligue.
Pour représenter au mieux les intérêts du joueur et négocier à son avantage toutes les conditions de son arrivée dans un nouveau club, il convient alors pour l’agent d’assurer un suivi régulier. Un travail de veille, de recherche, de suivi mais aussi d’écoute. « Au quotidien, nous avons des contacts environ tous les 8-10 jours par téléphone afin d’avoir son ressenti immédiat. On se déplace régulièrement pour suivre les performances en live : ils sont très attachés au fait que l’on assiste aux matchs. Il faut savoir être présent et attentif à tout ce qui entoure le joueur afin qu’il soit dans les meilleures dispositions pour performer », précise Christian Gérard. Mais le rôle de l’agent est aussi de trouver « la solution qui arrangera toutes les parties et permettra à la transaction de se réaliser. En termes de leviers beaucoup de choses sont possibles. » En effet, pour satisfaire certaines exigences de clubs, on ne s’interdit pas de fixer des clauses de sortie. Avec des montants en cas de départ du Luxembourg, « par exemple, 10.000€ en cas de signature à l’étranger », voire avec un club précis « pour lequel on fixe de suite un montant ! » Un véritable talent de négociateur mêlé à une connaissance systémique de la réalité du football : « Maîtriser les aspects économiques est tout autant nécessaire que la sphère purement sportive, surtout en ces temps troubles concernant les droits télés qui impactent fortement les clubs. La réalité financière du moment n’est jamais à négliger », conclut l’agent aguerri.
Le dispositif législatif français prévoit que l’activité d’agent sportif ne peut être exercée en France que par une personne physique détentrice d’une licence délivrée par la FFF ! En conséquence, les transactions depuis le Grand-Duché avec nos voisins doivent donc passer par un tiers, comme l’explique Frédéric Maurice : « Dans le cas de Guillaume Trani par exemple, la licence FIFA n’étant pas reconnue en France, nous avons eu recours à une collaboration établie avec le groupe SEG détenteur de la licence FFF pour pouvoir faire signer le joueur avec le Red Star 93. »
Mental Médias SARL
15 Rue Emile Mark
L-4620 Differdange LUXEMBOURG