24h dans la peau de Fabrizio Bei : 1/2

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24 heures dans la peau de Fabrizio Bei
©Marco Noel

Le 1er octobre, le président du FCD03 a accepté qu’on le suive durant une journée entière. 24 heures un jour de match, 24 heures pour mieux comprendre le quotidien d’un dirigeant et lui poser toutes les questions qui fâchent : FLF, gestion, contrats, arbitrage, affaires… Immersion totale dans l’ombre de Fabrizio Bei.

La journée débute dans un immeuble eschois. À son arrivée, le président du FC Differdange 03 est déjà attendu sur le perron. Il nous ouvre les portes de Bei Immobilière. Locaux modestes. Bureau cossu, œuvres d’art contemporain mêlées aux trophées et tricots de Differdange. L’accueil est chaleureux. On s’installe confortablement devant les saladiers de double champion sur une étagère, sobrement installés sous les photos de famille. À peine assis, Fabrizio Bei répond déjà au téléphone, sans une certaine… pression. Le président est ce qu’on pourrait appeler un « faux calme ». Doux comme un agneau, une voix feutrée presque séductrice, le cœur sur la main. Mais un lion dès que la température monte, et le ton avec. Et dans la promotion immobilière, les contretemps peuvent très vite s’accumuler. Même s’il se veut rassurant : « L’immobilier ne va pas si mal, ça reprend petit à petit. »

« Au début, personne ne nous prenait au sérieux »

La nouvelle du départ de Becca a été officialisée la veille. Il réagit : « Quand tu as du succès, tu es haï… Mais il a fait bouger le football ici. Dudelange était comme le PSG en France ! Nous on regardait tous vers le haut ce F91 qui était inaccessible. » Donc les salaires impayés, les incursions dans le domaine sportif, oubliés ? Ou tentation de tout président ? « Non jamais. La seule fois où je n’ai pas payé un joueur, c’est à sa demande : « Président, j’ai été nul, je ne mérite pas ma prime. » Sinon, j’ai toujours payé mes gars ! » Même pendant la crise sanitaire. En 2020, il a réuni toute l’équipe et a expliqué la situation. « À l’époque, je n’avais que 5 ou 6 joueurs pros. On a décidé ensemble que ceux-là gardaient leur salaire. C’étaient leur seule source de revenus. Pour les autres, ils ont accepté qu’on divise par deux. Il y avait une véritable solidarité entre copains. » Logique quand on connaît l’histoire du club, fondé en 2003 par une bande d’amis, convaincu d’un projet fou : la fusion entre deux clubs pour lesquels il a joué, les Red Boys et l’AS Differdange. « J’étais crédible auprès des deux et on m’a fait confiance, notamment les 2 ténors : Bragard et Müller. Avec Pantaloni, Spitoni et Baffa, on formait une sacrée équipe, mais au début, personne ne nous prenait au sérieux. » 

Depuis, le football a bien changé. « L’arbitrage s’est amélioré, par exemple. Alex Kruger est à l’écoute des clubs et on n’est pas si mal placé quand je vois le niveau des arbitres européens. La BGL Ligue est plus équilibrée aussi. Le niveau ne doit pas être déprécié et au contraire il faut la promouvoir. Il y a de bonnes structures maintenant. » Grâce notamment à la professionnalisation, certes relative, des clubs comme des staffs, appelée de ses vœux. Et l’émergence de nouveaux directeurs sportifs qui n’en ont pas que le titre. « Avant, n’importe qui devenait directeur sportif. Mais mon meilleur transfert de ces dix dernières années, c’est Remy Manso. Il y va au flair, comme dans ses restaurants ! C’est un passionné, et il a réussi à créer une alchimie au club, avec une très forte communauté portugaise. »

©Marco Noel

« Le Conseil de la FLF ? Pourquoi pas. »

Comment Fabrizio Bei est devenu dirigeant, cela reste un mystère. Mais une évidence pour celui qui consacre la moitié de sa vie au foot. « Moi aussi je suis un passionné. J’ai été joueur, je n’étais pas le meilleur footballeur mais j’étais toujours serviable. Au début de la fusion, j’allais sur le banc avec Dan Theis ! Il faut comprendre qu’ici, ce sont les gens du cru qui font vivre le club. Il faut penser à la suite. Un jour, un dirigeant m’a dit que dans les équipes même en réserves, il y avait peut-être quelques dirigeants en devenir. Ce sont ces gens-là qui prendront la relève un jour. Parce qu’être dirigeant, ça fatigue ! L’important ce n’est pas seulement d’investir, c’est de durer. Et je cours un marathon depuis 22 ans… » 

De quoi avoir peut-être envie de voir plus haut. Comme l’entrée au Conseil de la FLF ? À terme, Fabrizio Bei ne dit pas non. « Pourquoi pas ? Mais quand je fais quelque chose, je le fais à fond. Pour l’instant j’ai mon club et mon travail. Et on fait du bon travail à la Ligue pour être partenaires de la fédération. Je dis bien « partenaires », pas concurrents. Alors certes, il va falloir une réforme du championnat. C’est une question délicate, mais on va encore pouvoir tirer ça deux ou trois ans, pas plus… » Presque un projet de candidature. Surtout lorsqu’il se met à donner son avis sur les droits TV : « À tous ceux qui disent « avant ça allait, donc pourquoi changer ? » : mais parce que le monde n’est plus le même ! Oui, c’est difficile de changer les choses, ça prend du temps. Et attention, je n’ai pas que des amis ! On ne m’aime pas parce que je dis des choses tout haut… » Peut-être aussi à cause de certains coups de sang qui lui ont attiré des ennuis. À l’image de sa fureur après le match retour de Conference League contre Drita, où il s’en est pris à l’arbitre Andrea Colombo dans les travées du stade municipal de Differdange. « Je deviens méchant quand on ne me respecte pas. Avec Drita, je me suis senti trahi. Déjà au match aller, on s’entraînait le mardi soir, ils nous ont donné un synthétique sans douche ! Alors au retour ça n’est pas passé. Je crois à l’intégrité et la sincérité des arbitres, mais ce serait tellement mieux s’ils acceptaient le dialogue et reconnaissaient leurs erreurs… C’est en échangeant qu’on peut s’améliorer. Mais je ne dois pas réagir comme ça ! » 

Le sens de la famille

Force est de constater qu’à froid, le président Bei ne refuse pas le dialogue. Ni les questions douloureuses. Le sélectionneur national ? « Qui d’autre que Jeff Strasser peut mieux nous représenter ? Je l’ai admiré comme joueur avec une carrière époustouflante. Et je l’ai bien moins aimé sur le terrain du Progrès ! Pourtant j’étais fier qu’il vienne assister à un match de BGL Ligue avec Mario Mutsch. » Lorsque nous venons à aborder l’affaire de corruption et trafic d’influences pour laquelle le Parquet a réalisé des perquisitions dans les locaux de Bei Immobilière et du bourgmestre Guy Altmeisch, il ne se dérobe pas. Mais l’émotion le rattrape rapidement. Une émotion contenue, sobre, loin des démons qui l’enflamment dans les gradins. D’une voix sourde, il confie : « On m’a sali. C’est une décision politique contre mon ami et contre moi. Le 15 juillet, le jour du match ! [ndlr : match retour de Champions League, déjà contre Drita]. Et surtout, on a sali ma famille. » Voilà quelque chose qui ne passe pas. Car Fabrizio Bei est un homme de famille. Il nous montre les photos encadrées où il est tout sourire avec Gianluca, avant d’ajouter ému aux larmes : « Être père et fils avec la coupe ou le trophée de champion : ça ne s’achète pas. » L’occasion de lui demander si être président du où son fils fait partie de l’équipe première n’est pas complexe : « Je sais qu’on a dit beaucoup de méchancetés. Mon fils est là où il est grâce à lui, pas à moi. C’est quelqu’un de très honnête, qui s’est toujours mis au service de l’équipe. Je fais la part des choses : chaque année je demande à Remy de s’occuper de son contrat car je ne veux pas interférer. » La question du rejeton n’avait donc rien à voir dans ses différends avec Resende. « Pedro est quelqu’un de très simple, on s’entendait et on se comprenait. Mais son nom dit tout : c’est une « pierre ». Je l’ai laissé travailler, mais il est devenu plus renfermé après la deuxième année. On a tous les deux fait des erreurs. J’ai assumé les miennes et pas lui. Donc j’ai décidé, moi, que c’était la fin de l’aventure. » 

À SUIVRE…

Texte et photos de notre journaliste Marco Noel (article paru dans le Dribble! #68 d’octobre 2025)

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