Victor Bettendorf : Une ambition dans le 100

Victor Bettendorf est devenu, en ce début d’année, le premier cavalier de l’histoire du saut d’obstacles au Luxembourg à se hisser aussi haut dans le classement mondial Longines. Mieux encore, il n’a cessé de progresser, accédant début avril à la 76e place. Depuis, les semaines se suivent et se ressemblent pour le cavalier installé au haras de la Roque, qui vit le début de saison le plus abouti de sa carrière et continue à asseoir un peu plus sa position dans sa discipline. 

Sous le soleil exactement

Si la saison de saut d’obstacles est désormais bien lancée, les premiers concours ont été sacrés pour le cavalier ; ils lui ont permis de briller, mais surtout de préparer au mieux son piquet. Déjà auteur de performances impressionnantes en 2021, cette année a démarré au même rythme effréné. Les tournées ibériques, couronnées de succès, sont pourtant loin de lui avoir fait tourner la tête. À peine rentré de ces ambiances ensoleillées, il a pris le temps de faire un crochet chez ses parents pour essayer quelques chevaux de l’élevage familial. Une courte parenthèse pour « voir la relève » et une occasion de se confier, posé : « Le début de saison a été super ! On fait toujours les tournées au Portugal et en Espagne pour débuter les chevaux afin de les mettre en route pour la saison. Ils ont tous bien sauté. C’est de bon augure pour la suite, comme on dit. » Le ton est donné. 

Accompagné dans le sud de l’Europe par douze montures âgées de 8 à 10 ans, le cavalier esquisse un premier bilan : « Le cheval qui a le plus progressé du piquet est sans doute Simolo de la Roque (Spartacus TN x Casall). Il a vraiment signé d’excellents résultats et on va pouvoir commencer les concours plus importants cette année. J’ai eu de bonnes sensations sur un 8 ans, Eagle Eye de la Roque (Vigo d’Arsouilles x Kannan), qui a montré de très bonnes choses également. »

Quant à Mister Tac, son pur produit luxembourgeois, il y croit : « Je ne l’ai pas pris à Oliva, car il avait sauté la dernière semaine de l’Atlantic Tour à Vilamoura (il termine notamment deuxième d’une épreuve 1,50 m à barrage). Je l’ai emmené avec Simolo à Saint-Tropez pour le CSI 3 étoiles. On sera sûrs que c’est un bon cheval le jour où il va commencer à faire les gros parcours, mais j’ai beaucoup d’espoir dans ce cheval, on va voir jusqu’où on va aller. » 

Classe supérieure

Si le plus Normand des Luxembourgeois se mesure aux plus grands depuis déjà quelque temps, la suite de son programme promet de nouveaux grands moments, avec des objectifs toujours plus nombreux et ambitieux : « Je vais prendre part à quelques épreuves quatre étoiles, en commençant par un concours à Fontainebleau prochainement. J’espère également avoir l’occasion de monter des cinq étoiles, avec l’objectif réalisable de deux ou trois cet été déjà. Cela va dépendre essentiellement des concours et il faudra bien choisir les week-ends pour engager. Si lors d’une même semaine, il y a plusieurs CSI5* organisés, il sera plus facile d’y accéder, car les concours sont un peu plus dispersés. À l’inverse, s’il n’y en a qu’un, les meilleurs vont tous se rendre au même concours. »

Le Championnat attendra

D’ici quelques mois, les meilleurs cavaliers mondiaux de saut d’obstacles se donneront rendez-vous à Herning pour les Championnats du monde 2022. Un format qu’il connaît bien pour avoir déjà pris part à deux échéances à ce niveau : « Les Championnats du monde ne sont pas une priorité. Le jour où on aura une équipe luxembourgeoise pour le faire, ce sera autre chose, mais le faire en individuel, c’est beaucoup trop d’efforts pour le cheval. Je pense que pour prendre part à un tel championnat en individuel, il faut être sûr de pouvoir remporter une médaille. C’est très éprouvant pour les chevaux, pour ne pas forcément obtenir grand-chose en retour. J’ai déjà fait les Championnats d’Europe à Aix-la-Chapelle (en 2015, aux rênes de Sorbier Blanc), car c’est un endroit particulier, j’ai monté à Rotterdam aussi (en 2019 avec le même cheval). Mais la prochaine fois, si je participe à des championnats, c’est que j’ai une vraie carte à jouer ; je ne parle pas de viser une médaille, mais au moins de viser le Top 10, car je ne veux pas y aller pour faire de la figuration. »

Dans Les Plaideurs, Jean Racine écrivait: « Qui veut aller loin ménage sa monture. » Victor Bettendorf, lui, l’applique au quotidien et à tous les niveaux dans la gestion de ses chevaux. La plupart ne portent pas de guêtres pour une raison très simple : « Ils sont tous déférés, et j’ai surtout eu une jument qui s’est blessée à cause de protections aux antérieurs. »

Malgré un piquet bien étoffé, Le Luxembourgeois continue sans relâche à préparer l’avenir. « Actuellement, j’ai de très bons chevaux à former, à construire, et ça ne sert à rien d’aller plus vite que la musique. Je procède par étapes et le jour où ils seront prêts, c’est sûr que j’aimerais bien refaire un grand championnat. Mais pour cette année, ce n’est pas la priorité. »

Si le Luxembourgeois ne compte pas faire étape au Danemark, il continue à mettre la barre toujours plus haut : « J’ai corrigé un peu mes objectifs, sourit-il. Ce serait bien si je pouvais rester à ce niveau et je pense essayer d’arriver dans le Top 50 – Top 60 d’ici la fin de l’année. Ce serait vraiment chouette. Cela me permettrait surtout d’accéder à de meilleurs concours et de participer à des épreuves où il y a plus de points à gagner. »

Pour compléter un palmarès décidément à la hauteur de son talent, le Luxembourgeois possède toutes les qualités dont un cavalier peut rêver. Un excellent piquet, un système idéalement pensé, un quotidien avec un mentor. La suite s’écrit en lettres d’or pour Victor. 

Victor, vu par…

Edmond Meyers – Écurie des Fusains, naisseur de Mister Tac, l’un des chevaux de tête de Victor Bettendorf. 

Il est celui qui a fait naître son cheval de tête et sur qui il fonde de grands espoirs. L’éleveur luxembourgeois a suivi avec intérêt le début de saison du produit maison Mister Tac – né Mister Tac des Fusains – qui n’a fait que confirmer ses qualités sur le sol portugais à l’occasion de la première tournée de l’année.

L’écurie des Fusains fait partie des premiers repaires à avoir vu le cavalier de bientôt trente-deux ans débuter : « Les Bettendorf ont montré le chemin au Luxembourg », se réjouit Edmond Meyers. « Je connais Victor depuis qu’il est petit. Charlotte, sa grande sœur, a commencé à monter chez nous et son frère a suivi. Ils savent tous les deux évoluer avec différents types de chevaux et les mettre en valeur »

C’est aussi une amitié, née il y a une quinzaine d’années : « Il a sorti quelques chevaux de notre élevage en concours : Tout Seul des Fusains (Toulon x Eiger II), un frère de la mère de Mister Tac, Topline des Fusains (Toulon x Darco), avec qui il a été vice-champion de Luxembourg des Young Riders en 2009. Enfin, Tino des Fusains, un petit-fils de Toulon qu’il avait acheté pour lui et avec lequel il a évolué jusqu’aux épreuves 1,45 m. » Aujourd’hui encore, les deux hommes se donnent régulièrement des nouvelles : « Je suis en contact avec Victor et on s’appelle souvent, il m’envoie des vidéos et je lui demande aussi son avis sur les chevaux. Il a déjà vu tous ceux que j’ai à la maison et a d’ailleurs acquis la demi-sœur de Mister Tac, une pouliche par Poker de Mariposa. »

Quant à son équitation, l’éleveur est convaincu : « Il s’est certainement affiné. Il monte beaucoup de chevaux. C’est un cavalier qui est à l’aise avec le chronomètre, et dans le sport actuel, c’est important. Il a une cadence sans trop les déranger, comme Charlotte. »

Michel Hécart – Élevage de la Roque, en tête du palmarès général des éleveurs français en 2021, pour la huitième fois consécutive 

C’est sans doute celui qui lui a fait prendre la pleine mesure de son talent. Victor Bettendorf, désormais installé au haras de la Roque, fait partie des privilégiés à pouvoir s’entraîner aux côtés d’un cavalier renommé, fer de lance de l’élevage français et surtout reconnu comme véritable homme de cheval. 

Champion de France PRO1 avec le célèbre étalon Kannan, Michel Hécart n’est pas avare de qualificatifs pour souligner la valeur de Victor : « C’est un cavalier très doué. Il a un super feeling à cheval et possède le tempérament d’un gagneur. Il est rapide tout en étant calme, et il est très gentil avec les chevaux. Il possède un bon équilibre. Il est fort, mais très léger. Il peut tout monter, que ce soit un cheval un peu chaud, délicat, comme un cheval plus imposant, le genre de grand modèle avec lequel tout le monde ne peut pas forcément aller, lui le monte pareil et ça ne se voit pas parce qu’il a une équitation très fluide, très douce. » 

Côté qualités, le vice-champion d’Europe par équipe se montre tout autant dithyrambique : « Il est extrêmement précis, très rapide, et dans le sport, ça ne s’invente pas. On est capable ou on ne l’est pas, et lui est très bon par rapport à ça. » 

Que lui a-t-il apporté depuis qu’il a appris à le côtoyer ? « Je dirais un peu de rigueur. Au niveau du plat et grâce à mon expérience, j’ai essayé de l’aider. Tous ces cavaliers qui sont très doués et très bons ont beaucoup travaillé, ce n’est pas venu tout seul, et ses parents y sont pour beaucoup. Quand on voit les trois qui montent dans la famille, ils se débrouillent tous très bien, ce n’est donc pas une question de hasard », analyse Michel Hécart. « Il lui manquait peut-être une base de travail, une méthode. Il se trouve que j’ai une manière de travailler les chevaux, de les former et de les entretenir aussi. Nos chevaux sont déferrés. Ils vont dehors, font beaucoup de paddock et de pré. Il est entré dans ce système très facilement et ça a dû lui donner quelques repères et l’aider. On ne met pas de guêtres, pas de bandes, rien du tout. » 

Une réflexion que l’homme de cheval explique : « Les chevaux apprennent davantage où est leur corps. Plus on les protège, plus ils peuvent se blesser. C’est souvent comme ça qu’on a des suros. Les chevaux durent beaucoup plus longtemps, ils se font aussi moins mal. Toujours est-il que quand Victor est arrivé, il a trouvé ça sympathique, ça ne lui a pas posé de problème, il est souple et maintenant, il a du mal à monter un cheval ferré, il voit la différence. C’est un garçon intelligent et à l’écoute et quelque part, le système lui a plu. »

Michel Hécart a fait naître et accompagné de nombreux chevaux de saut d’obstacles et possède un œil avisé qui lui permet d’analyser son piquet : « À mon avis, celui qui va devenir son cheval de tête à très court terme, c’est Mister Tac. Ce cheval est hors norme ! » 

Les deux sont unanimes : le talent d’un cavalier associé à un cheval aux qualités innées est une carte à jouer sur l’échiquier des sports équestres. Un couple dont on devrait entendre parler ces prochaines années.  

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