Portrait : Jeff Strasser par lui-même

9 minutes
© Marco Noel / Mathilde Ollinger

 Il n’a jamais refusé une interview avant ou après-match. Mais de son propre aveu, « c’est plus difficile de parler de soi-même ». Entrée dans l’intimité du coach le plus célèbre du Grand-Duché pour découvrir la face cachée de Jeff Strasser.

Au début de l’échange, l’entraîneur du Progrès est fidèle à lui-même. Direct, sans filtre. Les réponses sont laconiques. L’exercice est probablement une perte de temps pour lui. Puis, à mesure de la discussion, il digresse, insiste sur certains points, et finit par se détendre jusqu’à se dévoiler, entre deux questions foot. L’homme derrière le tacticien.

DRIBBLE! : Comment vous définiriez-vous en tant que coach ?

Jeff STRASSER : J’attends pas mal de mes joueurs, je suis assez minutieux. J’essaie de mettre autant que possible mes joueurs en confiance pour les valoriser et pour qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. Je suis aussi quelqu’un d’assez impulsif par moment, mais je demande énormément à moi-même donc j’attends aussi beaucoup de mes joueurs, tout en sachant ce qu’ils savent faire ou ne pas faire pour ne pas mettre une pression inutile. Le but est de les mettre dans les meilleures conditions afin qu’ils soient aptes à être le plus performant possible. Peu importe l’âge ou l’expérience, je pense qu’en tant que coach il faut être capable de rendre chaque joueur meilleur. C’est l’un de nos rôles essentiels de manière à ce que le rendement de l’équipe s’améliore.

Au cours de votre carrière de joueur, vous avez rencontré des coachs qui vous ont particulièrement rendu meilleur ?
Chaque coach a fait en sorte de m’améliorer. J’en ai eu beaucoup ! Chacun avec sa personnalité, sa vision, sa philosophie, a essayé de rendre toute l’équipe meilleure, y compris moi.

On dit souvent du Progrès que c’est l’une des meilleures équipes défensives du championnat, est-ce que vous vous reconnaissez dans cette description ?
Forcément, j’ai été défenseur en tant que joueur ; maintenant, un bon comportement défensif est souvent garant d’obtenir des points. Mais je trouve qu’on développe quand même pas mal de jeu offensif, et quand je regarde aujourd’hui au niveau du classement et sur le plan comptable : on est loin d’une équipe qui joue défensif.

Ce n’est pas rageant parfois de voir vos meilleurs joueurs quitter le Progrès pour jouer en pro ?
D’un côté quand ils partent en pro, ça fait plaisir, parce que quand notre but est de faire progresser les joueurs, c’est qu’on a réussi notre mission. Bien sûr, pour un coach, la meilleure chose pour rester compétitif dans la durée c’est à un moment donné d’essayer de former une équipe qu’on peut garder ensemble au-delà d’une saison. Mais ce sont les aléas du football, des joueurs ont d’autres opportunités, et si elles tendent vers le milieu professionnel, on doit être fier du travail accompli pour le joueur, de l’avoir aidé et guidé. Vous savez, depuis 2010 que j’entraîne, on pourrait s’amuser à compter le nombre de joueurs partis rejoindre un club pro après avoir été sous mes ordres en partant du Fola : Enes Mahmutovic, Laurent Jans, Gerson Rodrigues, plus récemment Ikene, Bohnert, et on ne parle que des Luxembourgeois ! On peut aussi citer Bilal Hend ou Walid Jarmouni.

La rumeur d’un retour à Kaiserslautern était-elle fondée ?
Il y a eu des touches, pas seulement à Kaiserslautern, sans que cela puisse se concrétiser. Soit parce que ce n’était pas dans la direction où je voulais aller, ou alors parce que le niveau de correspondait pas à mes ambitions. L’année dernière, j’ai effectivement été en contact avec Kaiserslautern mais leur choix s’est porté sur une personne différente.

« Le jour où on me proposera le poste de sélectionneur, je ne pense pas que j’y réfléchirai à deux fois »

Qu’est-ce qui ferait en sorte que votre carrière soit vraiment accomplie dans l’avenir ?
Arriver à retourner dans le domaine professionnel, ce serait une belle chose. Et continuer à gagner un ou des titres.

Devenir un jour sélectionneur de l’équipe nationale, c’est une ambition qui vous parle ?
Le jour où on me proposera le poste de sélectionneur, je ne pense pas que j’y réfléchirai à deux fois…

Est-ce que c’est difficile de travailler avec Jeff Strasser ?
Non ! (Rires) Pourquoi ? Je suis assez impulsif mais en premier lieu je suis exigeant avec moi-même. Donc travailler avec moi c’est voir quelqu’un qui a envie de donner 100% tous les jours, et surtout voir un grand côté humain aussi. Vous pouvez demander à tous les gens qui m’ont accompagné : d’un côté il y a le terrain, de l’autre il y a l’humain, et mon bureau est toujours ouvert, si un joueur m’appelle même tard le soir, je serai toujours là pour être à son écoute et l’aider.

« Ils ne connaissent pas le vrai moi »

Ce côté humain, n’est-ce pas finalement ce que le grand public ne connaît pas de vous ?
C’est vrai. Beaucoup de gens me voient d’une manière qui ne correspond pas à la réalité de ma personne. Ils me connaissent au bord du terrain ou sur le terrain. Ma famille, mes proches, les gens qui travaillent avec moi au quotidien, beaucoup dirait que la vraie image de moi n’est pas celle-là. Il ne connaisse pas le vrai moi, c’est à dire quelqu’un de très aimable, très serviable, convivial. J’aime passer des bons moments avec des amis autour d’une bonne table avec une bonne bouteille de vin. Et ce genre de plaisir est plus accessible aujourd’hui comme coach que lorsque j’étais joueur. Mais à un moment donné, quand toute ta vie devient publique, c’est logique de ne pas voir toutes les facettes. L’image qu’on véhicule reste souvent sur un petit détail négatif, c’est le revers de la médaille d’être exposé.

© Albert Krier

La « patte Jeff Strasser » sur le plan tactique, c’est quoi ?
C’est une équipe qui essaie de développer du jeu, d’être dominatrice dans la possession du ballon, et qui jusqu’à la dernière seconde a envie de ramener la victoire. Il faut aussi être capable de créer un élan, et c’est un rôle qui revient à tout le staff, mais ça commence à mon avis dès la constitution du groupe et du choix des joueurs. Non seulement au niveau footballistique mais aussi au niveau caractère et humain où on essaie le moins possible de se tromper. Il y a cette envie de créer une dynamique de groupe, mais surtout l’importance de la création d’un collectif : si vous voulez avoir une équipe qui crée du jeu, il faut choisir des joueurs avec plus d’aptitudes techniques.

Vous avez un coach qui vous sert de modèle ?
Au niveau caractère, Jürgen Klopp. Au niveau tactique, tous les entraîneurs qui coachent au haut niveau, on peut apprendre de beaucoup de personnes. Souvent, on essaie d’apprendre de ce que font les plus grands et voir ce qu’on peut adapter à soi-même, si ça correspond au niveau philosophie de jeu. Actuellement, il y a beaucoup de coachs qui essaient de développer du beau jeu, c’est de ceux-là que je m’inspire. Auparavant, il y avait des entraîneurs qui étaient plutôt destructifs, qui ont réussi à gagner des titres en jouant en défense, ils m’inspirent moins. Quelqu’un comme Mourinho a beaucoup gagné sans que le jeu développé soit attractif.

Quelles sont les meilleures qualités de Jeff Strasser ?
Quand quelqu’un me demande de l’aide, si c’est quelqu’un que j’aime bien, je serai toujours là. Mais les personnes que j’aime, je pourrais faire n’importe quoi pour elles, que ce soit au niveau famille évidemment, mais aussi au niveau staff, joueur, domaine professionnel ou amical, tout le monde sait qu’on peut compter sur moi. Même si je parle beaucoup, je sais aussi être à l’écoute.

Et votre pire défaut ?
Avoir du mal à perdre ! Je viens d’avoir 50 ans et j’ai beaucoup appris ces dernières années. Il n’y a pas d’âge pour apprendre ou devenir meilleur, je le dis souvent aux joueurs et c’est valable en tant que coach mais aussi en tant qu’humain.

« On a l’impression d’avoir un mode de fonctionnement ancestral »

Qu’est-ce qui vous enthousiasme encore dans le football aujourd’hui ?
Cette envie de devenir meilleur et de gagner, sans que cela devienne une obsession. Coacher une équipe, travailler avec elle sur une année en s’étant fixé un objectif et l’atteindre à la fin de la saison, se donner chaque fois un nouveau challenge.

Et ce qui vous désespère ?
Le fait qu’au Luxembourg, on ait des moyens mais qu’il faudrait accélérer pour professionnaliser certaines choses. Et pour ça il faudrait que tous les acteurs du football, que ce soit la fédération ou les clubs, essaient de tendre vers ce même but. Une des plus grandes choses à faire, et le plus rapidement possible, c’est changer et dépoussiérer les règlements et les statuts. On a l’impression d’avoir un mode de fonctionnement ancestral…

Comment qualifieriez-vous votre relation avec la presse ?
Saine. Je pense que tous les acteurs du football ont besoin de la presse et la presse a besoin des acteurs. C’est donnant-donnant. Il y a des pays, comme quand j’étais coach en Allemagne, où c’est beaucoup plus présent : selon le média ou la ligne éditoriale, certains sont obligés d’écrire de manière plus agressive ou négative, mais ce n’est pas la personne qui est méchante. Plus le niveau du football va s’élever, plus la presse va devenir présente et exigeante. C’est quelque chose qu’il faut avoir à l’esprit et essayer de maîtriser, qu’il faut savoir utiliser et parfois malheureusement en jouer aussi.

Quel est le plus grand succès que vous retenez de votre carrière, joueur et entraîneur confondus ?
Dans le football on retient toujours les titres. En tant que coach, le premier titre de champion notamment. En tant que joueur, j’étais plus jeune donc les titres que mon équipe a gagné, je n’y ai pas vraiment participé. Pour moi, un vrai titre est celui où tu as joué au moins 50% des matchs titulaires, ou si tu étais présent le jour d’une finale. Mais mon plus grand succès, c’est la longévité de ma carrière. Faire 17 ans de professionnalisme, de 19 ans à 36, c’est très long. Avoir joué dans trois pays professionnels différents dont deux font partie des 5 majeurs, France et Allemagne. Et avoir toujours joué dans des clubs de tradition avec une culture supporter. Au jour d’aujourd’hui, je peux retourner dans n’importe quel club où j’ai joué et je serai accueilli à bras ouverts car tout le monde garde un bon souvenir de moi. C’est peut-être la plus belle chose qu’on peut gagner dans sa carrière.

Marco Noel

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