Groupe E : chocs en perspective

Le tirage n’a pas été clément pour deux des favoris de la compétition, qui se retrouveront dès les phases de groupes. L’Espagne et l’Allemagne seront donc opposées pour ce qui constituera la plus belle affiche des poules. Le Costa Rica et le Japon, quant à eux, essaieront de tirer profit de la moindre baisse de régime adverse pour réussir un authentique exploit.

Il faut toujours un groupe dans lequel deux grandes nations de football se retrouvent. C’est le lot de chaque Coupe du monde, et cette édition disputée en terre qatarie ne déroge pas à la règle. Ainsi, l’Espagne et l’Allemagne, deux des plus grandes nations de football du XXIe siècle se retrouveront dès les phases de poules pour ce qui sera assurément l’affiche la plus sexy de ce premier tour.

L’Allemagne, considérée comme l’un des potentiels favoris de la compétition, ne débarquera néanmoins pas avec le plein de confiance. La faute d’une Ligue des nations totalement ratée, avec des résultats forcément inquiétants. Une seule petite victoire, quatre matchs nuls et une défaite à domicile contre la surprenante Hongrie : les joueurs d’Hansi Flick n’offrent pas en ce moment un sentiment de tranquillité, malgré un des plus beaux effectifs au monde. C’est assurément devant que le bât blesse, avec une absence de buteur létal. Ni Werner ni Havertz n’ont réellement réussi à apprivoiser cette position d’attaquant, diminuant ainsi les capacités de finition de toute l’équipe allemande. 

Un problème qu’a connu l’Espagne à plusieurs reprises ces dernières saisons. Souvent en difficulté au moment de trouver de la verticalité, la selección n’a pas encore trouvé la solution aux blocs compacts en face, qui peuvent légitimement compliquer la tâche des joueurs de Luis Enrique. Une difficulté somme toute relative si l’on prend la dernière année de football de la Roja : hormis une défaite à domicile contre la Suisse, les joueurs ibériques ont réalisé d’excellents résultats, comme en témoigne cette victoire décisive contre le Portugal lors de la dernière journée de la Ligue des nations. L’Espagne, qui devrait s’éviter une nouvelle polémique sur le nombre de joueurs sélectionnés issus du Real Madrid, compte bien capitaliser sur son dernier Euro, très prometteur, et confirmer l’émergence d’un grand nombre de jeunes talents. Les premières réponses tomberont assurément le 27 novembre, date à laquelle Busquets et ses coéquipiers croiseront le fer avec l’Allemagne.

Avant cela, il faudra affronter le Costa Rica. Quatrièmes de la poule CONCACAF derrière le Canada, le Mexique et les États-Unis, les joueurs de Luis Fernando Suárez ont dû en passer par les barrages pour s’assurer une place au Qatar. Une confrontation face à la Nouvelle-Zélande, remportée grâce à un but précoce de Joel Campbell et entachée de nombreuses approximations de la VAR. Pas de quoi tempérer le bonheur d’une population obnubilée par le ballon rond, et qui va voir sa sélection participer à une Coupe du monde pour la cinquième fois. Réussir une performance aussi formidable que l’épopée de 2014, où la nation d’Amérique centrale avait atteint les quarts de finale sera assurément un challenge énorme, le tout dans un groupe au niveau aussi relevé. Mais il aura à cœur d’offrir des adieux à la hauteur de leur carrière à des cadors tels que Keylor Navas, le capitaine Bryan Ruiz, ou encore Celso Borges, qui ont déjà annoncé que cette compétition internationale serait leur dernière. Reste maintenant à créer la surprise dans ce groupe comportant deux mastodontes mondiaux.

Un désir assez similaire à celui du Japon, qui arrivera lui aussi en outsider. Il n’est pas poussif de dire que la qualification de la nation asiatique à la Coupe du monde 2022 a été une véritable balade. Les chiffres, impressionnants, en attestent : huit rencontres, huit victoires, quarante-six buts marqués (!) pour seulement deux encaissés : les protégés d’Hajime Moriyasu n’ont pas fait dans la dentelle au moment d’assurer leur place au Qatar. Avec un effectif mixant expérience et jeunes pousses, l’équipe nipponne peut croire en ses chances de réussir un exploit. Yoshida, Tomiyasu, Minamino ou encore Takefusa Kubo ont trouvé leur place dans de grands effectifs européens et auront à cœur de porter leurs coéquipiers vers un résultat surprise. 

L’Allemagne, malgré une période assez compliquée et quelques doutes, ne s’emmêle que très rarement les pinceaux en phase de poules. Une régularité qui nous fait dire que la Mannschaft devrait réussir à terminer première, devant une Roja qui continue d’intriguer. Derrière, le Japon, en progression constante, est capable de l’emporter face au Costa Rica.

L’Espagne : sérieusement sous-estimée

Depuis le retour de Luis Enrique, la Roja est tout simplement l’une des équipes les plus régulières au monde. Avec un véritable renouvellement d’effectif, l’Espagne a fait le deuil de la glorieuse génération précédente et est prête à conquérir à nouveau le monde.

C’est une statistique, pourtant pertinente, qui est passée inaperçue. La Roja est, depuis 2020, la nation aux résultats les plus réguliers dans les grandes compétitions. Vice-championne de la LDN en 2020, demi-finaliste à l’Euro 2021, première de son groupe pour le Mondial, et qualifiée de nouveau au Final Four de la prochaine LDN. Un bilan, certes sans titres, mais impressionnant.

Sous l’égide de l’ancien entraîneur du Barça, la selección a en effet enchaîné les résultats intéressants, mais aussi réussi un vrai renouvellement de génération. Eric Garcia, Pau Torres, Gavi, Pedri, Nico Williams, Ferran Torres, Yeremi Pino, Diego Llorente sont en effet les nouveaux habituels dans les onze de départ. Un vent de jeunesse qui fait ainsi passer certains footballeurs tels qu’Alvaro Morata, Alba ou encore Rodri pour de véritables cadors. Si Sergio Busquets, titulaire indiscutable, continue de résister à cette transition générationnelle, le deuil est définitivement fait avec la Roja des années 2010, qui a survolé le football mondial. 

Si le vivier de jeunes talents est indéniable, des critiques demeurent quant au jeu proposé, parfois jugé peu enthousiasmant. Toujours adepte de la possession à outrance, la Roja continue de confisquer le ballon avec, parfois, une réelle difficulté à accélérer le jeu. Un sentiment d’impuissance qui suscite des réserves, mais n’a pas empêché la selección d’atteindre le dernier carré à l’Euro 2 021… Avant une victoire au Qatar ?

Allemagne : l’heure de la rédemption

Après être totalement passée à côté de sa dernière Coupe du Monde – élimination en groupe qui peut en attester – l’Allemagne a à coeur d’oublier cet épisode douloureux pour retrouver les sommets. Quittant la Russie la tête basse avant d’échouer à nouveau à l’Euro 2021 en huitièmes de finale contre l’Angleterre, la nation aux quatre victoires dans la plus prestigieuse des compétitions a fait peau neuve en remplaçant Joachim Low par Hansi Flick en 2021. L’ancien manager du Bayern Munich, qui sortait d’un triplé en 2020 a su renouveler le groupe, avec l’apparition de plus en plus régulière de jeunes pousses. Sous sa houlette, la Mannschaft n’a connu la défaite qu’une seule fois, à domicile contre la Hongrie en septembre. Un bilan flatteur, mais qui ne gomme pas des difficultés assez visibles dans le jeu, pour une équipe incapable de l’emporter contre l’Angleterre ou l’Italie.

Si le jeu semble toujours aussi huilé, avec une recherche constante du collectif, le bât blesse au moment d’analyser une attaque bien moins létale que par le passé. Ainsi, ni Timo Werner, ni Kai Havertz n’ont véritablement réussi à reprendre ce rôle de finisseur. C’est donc un vieux briscard, Thomas Müller, qui a la responsabilité de concrétiser les offensives, le tout après avoir été rappelé par Hansi Flick, après une pause forcée de plusieurs années. Pour l’accompagner, c’est tout de même la crème de la crème qui sera présente, avec évidemment des joueurs tels que Leroy Sane, Serge Gnabry ou encore Joshua Kimmich. Des noms ronflants, bien plus connus du grand public que les joueurs composant l’arrière garde qui, hormis Rüdiger, devraient vivre là leur première compétition sous la peau de titulaires. Un sacré baptême de feu.

Costa Rica : une dernière danse ?

Il y a avant tout énormément d’expérience au sein de cette équipe costaricienne. Avec Keylor Navas, Duarte, Oviedo, le capitaine Bryan Ruiz et Celso Borges, cette Coupe du monde sera assurément celle des adieux de joueurs emblématiques à leur sélection. Des membres remplis d’expérience et qui auront à cœur de terminer leur aventure internationale sur une bonne note. Cela sera aussi l’occasion pour eux d’accompagner la nouvelle génération vers des rôles plus expansifs. Si Joel Campbell – auteur du but décisif pour les barrages – est assez connu des amateurs du ballon rond et devrait continuer au sein de la sélection pendant encore de nombreuses années, d’autres jeunes promesses auront l’occasion de mettre en valeur leurs capacités aux yeux du monde entier. On pense évidemment à l’attaquant Contreras, qui accomplit des performances de plus en plus conséquentes au sein du championnat local, mais aussi au jeune ailier Jewison Bennette, seulement 18 ans et membre du club de Sunderland.

Porté par un public complètement loco, le Costa Rica sait pertinemment qu’accomplir un parcours similaire à celui de 2014 sera pratiquement mission impossible, en particulier au sein d’un groupe aussi relevé. Mais, déjà heureuse d’avoir assuré sa qualification à la Coupe du monde, la sélection de Luis Fernando Suárez aura à cœur d’offrir les plus belles des partitions pour que la nation vive une nouvelle aventure inoubliable.

Japon : génération aguerrie

Depuis plusieurs années, de nombreux joueurs japonais font de plus en plus leur trou au sein du football européen. Une progression et une mise en lumière de la qualité des footballeurs au pays du Soleil-Levant qui pourraient permettre à la sélection de créer une véritable surprise au sein de la compétition. On pense évidemment à Kubo, brillant au sein de la Real Sociedad, mais aussi Minamimo, intéressant à l’AS Monaco, ou encore Tomiyasu et Yoshida, qui évoluent respectivement à Arsenal et au FC Schalke 04. Des joueurs à chaque échelle du terrain, donc, et qui – à l’image de la forte majorité de la sélection nipponne – évoluent désormais dans divers championnats européens (Stuttgart, Eindhoven, Alkmaar ou encore Majorque…).

Porté par des résultats en grande pompe, le Japon peut légitimement croire en sa capacité de créer la surprise. Dans un groupe particulièrement relevé, et avec une entame face à l’Allemagne, les joueurs d’Hajime Moriyasu seront vite fixés sur leur capacité à bousculer le statu quo. Souvent disposée en 4-2-3-1 avec des ailiers vifs pour apporter le déséquilibre, la sélection japonaise, qui dispute là sa septième Coupe du monde consécutive, a aujourd’hui les capacités pour bondir en contre et faire mal face à des adversaires évoluant avec un bloc haut. Plutôt de bon augure, dans un groupe où tant l’Allemagne que l’Espagne sont extrêmement friandes de la possession à outrance, créant ainsi une arrière-garde vulnérable.

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