Chris Leesch, un grand Bol d’air

Le week-end des 17 et 18 septembre dernier, Chris Leesch et ses deux coéquipiers sur la Honda #41 s’imposaient dans la catégorie Superstock à l’occasion du centenaire du Bol d’or, disputé sur le circuit Paul Ricard dans le sud de la France. Une victoire historique pour un motard luxembourgeois. 

C’est un monument dans le monde motocycliste. Le Bol d’or 2022 marquait le centenaire de la première édition de cette course de 24 h, réputée pour avoir été la première à se dérouler sous ce format. Désormais disputé sur le circuit du Paul-Ricard depuis 2015, il s’est tenu sur différents sites au cours de ses 85 éditions. D’abord concouru sur un circuit en terre battue tracé autour de Livry-Gargan, il a vite pris ses quartiers à Saint-Germain-en-Laye, avant de migrer vers des circuits permanents comme à Linas-Montlhéry, le circuit Bugatti du Mans, et celui de Magny-Cours. 

Jeudi matin, le 15 septembre, au Castellet, Chris Leesch, Jonathan Hardt et Wayne Tessels avaient rendez-vous avec les premiers essais de ce 85e Bol d’or. L’occasion de prendre ses premiers repères en piste, de foncer à toute berzingue dans la ligne droite du Mistral, de se frotter au double droit du Beausset et d’appréhender le S de la Verrerie. Et après les qualifications l’après-midi, les pilotes s’évertuent à adapter ce qu’ils ont appris la journée aux conditions nocturnes. 

Autre facteur à prendre en compte dans la performance réalisée par l’équipe ce week-end-là, il a fallu composer avec un nouveau membre dans le trio de pilotes, Jonathan Hardt remplaçant Grégory Fastré, victime d’une grosse chute au Mans : « Cela change tout au sein de l’équipe, car il faut toujours que les trois pilotes s’entendent parfaitement », explique Chris Leesch. « Il faut qu’il y ait une harmonie de caractère, parce qu’on doit passer 24 h ensemble. On doit parvenir à se motiver les uns les autres tout au long de la semaine. Il ne faut pas qu’il y en ait un des trois qui tente de prendre le dessus, parce que derrière, l’équipe avancera moins bien. Il faut que les trois soient compétitifs. Greg n’était pas là car il s’est gravement blessé au Mans, et d’ailleurs c’est probablement la fin de sa carrière. On a pris un remplaçant au Mans qui a fait le job, mais ils ont décidé d’en prendre un autre à Spa, et c’était un mauvais choix de pilote. Pour le Bol, on a pris la décision, avec l’équipe, de recruter Jonathan. On le connaissait déjà, et l’année passée, il roulait sur la 24, c’est la moto qui avait gagné au Bol. On savait qu’il serait un atout pour l’équipe, et c’est exactement ce qu’il a été. » 

Un départ toujours spectaculaire

Qualifiée en 17e position (en 5e concernant la catégorie SST), la Honda du team RAC41-Chromeburner est confiée à notre pilote luxembourgeois pour un départ toujours spectaculaire dans ces courses d’endurance. Tous alignés de l’autre côté de la ligne droite des stands, les pilotes de moto doivent, le temps de quelques secondes, se transformer en sprinteurs afin de rejoindre leur machine, le tout avec combinaison et casque sur la tête. Et en attendant que le drapeau tricolore s’abaisse, donnant le signal du départ, le temps semble comme suspendu au-dessus du Paul-Ricard. 

Cette meute de furieux démarre alors en trombe pour 24 h d’adrénaline, de vitesse, mais aussi – et rares sont ceux qui y échappent – d’ennuis mécaniques. Le départ… Un moment que Chris Leesch apprécie particulièrement, malgré le mauvais souvenir des 24 h du Mans où sa course s’était rapidement interrompue à cause d’une chute provoquée par un adversaire : « Depuis Le Mans où je me suis fait percuter, j’ai déjà pris trois départs, et chaque fois cela s’est bien passé. Je me sens très à l’aise pour les prendre, c’est quelque chose qui me plaît. À la limite, pour moi, c’est plus facile que de prendre le deuxième ou troisième relais. Alors personnellement, ce n’est que du bénef’. Quand je peux entrer dans une course en faisant le départ, je me mets tout de suite dans le rythme, et là au Bol, on savait que cela se jouerait sur la longueur. Le but était assez simple : suivre le groupe, entrer avec les premiers. C’est ce qu’on a fait. On était dans un groupe de 6 ou 7 motos ensemble. C’est marrant d’ailleurs, car on se doublait à chaque tour, un peu comme dans une course de vitesse. Premier relais, c’est toujours la même règle : tu ne peux pas gagner la course, mais tu peux la perdre. » 

Rythme d’enfer durant la nuit 

Sixième de sa catégorie après trois heures de course, la Honda #41 remonte à la 4e place trois heures plus tard, et enfin à la troisième alors que l’on a passé minuit sur le circuit du Paul-Ricard. Une nuit varoise où l’on ne voit que les phares des motos se succéder sur la piste, et où une erreur due à un petit relâchement est vite arrivée. Une obscurité d’où surgissent parfois, hélas, des problèmes techniques : « Le problème a commencé à apparaître à 3 h du matin. Il y avait un petit trou dans l’échappement », raconte Chris. « J’ai entendu qu’il y avait un souci, j’ai prévenu l’équipe, mais cela a quand même tenu jusqu’à 7 h du matin. C’est à la fin du relais de Wayne que cela a complètement explosé et que l’on a été obligés de le changer. » 

La nuit et le petit matin sont des moments clés à gérer lors d’une course de 24 h, mais déjà difficile à trois pilotes, une épreuve d’endurance est d’autant plus éprouvante si l’un d’eux n’arrive pas à se mettre dans le rythme : « Le petit matin était très dur à gérer, car on a pris la décision de terminer la course à deux. On avait un pilote qui allait un peu moins vite, et on l’a vu dès les premiers relais, les écarts étaient trop importants. Et on s’est dit qu’on allait tenter de creuser l’écart à deux durant la nuit, ce que l’on a réussi à faire. Mais au petit matin, on s’est rendu compte que le troisième pilote était toujours trop loin en matière de rythme au moment de reprendre le guidon. On ne pouvait pas assurer la première place de cette manière et on a donc décidé de continuer à deux. C’était un coup au moral pour nous, car on était déjà bien rincés de la nuit. On avait forcé, on avait vraiment un rythme d’enfer, et réussi à creuser le trou. » 

Mais ce Bol d’or 2022 allait être disputé de bout en bout dans la catégorie Superstock. Car une fois la ligne d’échappement de la Honda #41 changée, tout était à refaire pour l’équipe RAC41 qui possédait alors deux tours d’avance. Chris Leesch et son coéquipier allaient alors devoir s’employer durant plusieurs heures afin de rejoindre l’arrivée en tête : « On est restés tout juste devant, mais jusqu’à la fin, tout le monde roulait fort. Les trois ou quatre premières motos en Stock étaient toujours dans le même tour. C’était une bagarre tout du long, et même en rentrant dans l’avant-dernier relais, on avait encore seulement 35 ou 40 secondes d’avance, et cela s’est joué sur l’ultime relais. » 

Tic-tac, tic-tac… 

Face à la Kawasaki #24 (pilotée par Julien Pilot, Anthony Loiseau et Loris Cresson) de l’écurie BMRT 3D, et la Yamaha #86 (avec Maxim Pellizotti, Adrian Parassol et Asrin Pak) de Pitlane Endurance, le RAC41 n’aura jamais eu véritablement le temps de souffler. Mais les minutes défilent et les gladiateurs à deux roues du Bol d’or se rapprochent de l’heure d’arrivée (15 h) : « Même les troisièmes étaient encore dans le coup, à aucun moment on n’a pu se relâcher, et cela a rendu notre victoire encore plus satisfaisante. C’était une bagarre du début à la fin, on a gardé la tête durant sept ou huit, c’est une victoire méritée et c’est d’autant plus beau », raconte Chris Leesch.

Car après 704 tours, 24 h et 2 min 57 s de course effrénée, entrecoupée de 29 passages au stade, c’est enfin la consécration pour Chris et ses coéquipiers qui, au bout de l’effort et de la fatigue, grimpent sur la première place du podium de la catégorie Superstock (7e toutes catégories confondues). Une consécration pour l’équipe et ses valeureux pilotes, après plusieurs déconvenues et de la malchance, cette fois, les planètes se sont enfin alignées : « Il y a eu de la malchance l’année passée, et cette année encore au Mans, où on a cassé la boîte. À Spa, on a perdu la course en raison de lignes d’échappement qui n’arrêtaient pas de casser. Au bout d’un moment, ça devenait un peu désespérant. À chaque fois, il y avait plein d’éléments qui allaient dans la bonne direction, qui nous montraient qu’on était prêts à jouer le podium ou la victoire, et cela ne voulait pas sourire. Mais enfin au Bol, on a eu un peu de chance de notre côté et on n’a pas eu trop de pépins. Un peu oui, mais moins que les autres. »

La (vraie) fête sera pour plus tard

Mais après 24 h de course, difficile de faire la fête jusqu’au bout de la nuit : « Déjà, le podium prend une éternité, puis je suis rentré au box pour fêter avec l’équipe, mais ils étaient déjà en train de remballer, car on est obligés de libérer les stands pour le jour d’après. C’est toujours un peu de stress et on ne peut pas trop en profiter comme on voudrait. Mais Honda faisait une petite fête où ils nous ont invités, donc c’était marrant, mais ce n’était pas la fête qu’on imaginait. Après 24 h, tout le monde est mort de fatigue et la fête sera pour plus tard. » 

Les messages de félicitations ont en tout cas été nombreux à pleuvoir sur le smartphone du premier pilote grand-ducal à monter sur la plus haute marche du podium de ce monument de la moto. « J’ai fait plusieurs podiums et à chaque fois, beaucoup de monde me félicite. Mais avec une victoire, c’est totalement différent, c’est un truc en plus. J’ai eu énormément de messages, certains m’ont surpris, d’autres m’ont fait plaisir. C’est satisfaisant de voir que les gens respectent les efforts que l’on fait tout au long de l’année. » Tandis qu’ici au Luxembourg, la victoire de Chris Leesch n’a pas suscité plus d’engouement médiatique que lors de ses précédentes performances : « Malheureusement au Luxembourg, le sport moto reste toujours un peu dans l’ombre. Je commence à en avoir l’habitude, je n’ai pas envie de m’énerver à ce sujet. Mais ce qui fait plaisir, c’est d’avoir des retours positifs du monde de la moto en lui-même. Que ce soit des constructeurs, des sponsors ou de grands noms de l’endurance qui me félicitent. Quand il y a des chefs d’équipe d’usine qui te complimentent, c’est génial, et ce sont des gens auxquels je ne pensais jamais avoir affaire. C’est un rêve de gosse. » 

Après avoir réussi à obtenir un graal qui ferait rêver n’importe quel pilote moto, Chris Leesch va désormais se tourner vers une saison 2023 où il compte bien relever de nouveaux défis. Et pourquoi pas cette fois l’emporter sur les 24 h du Mans moto ou celles de Spa-Francorchamps, sa course à domicile ? Et quid de Suzuka, une des manches de l’EWC où il n’a pas encore pu poser ses roues ? Tout lui est permis désormais, et même une participation au Championnat de France, cette fois sur des courses au format vitesse. Réponse la saison prochaine. 

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